mercredi 1 avril 2015

Toucher les prescripteurs de livres, et en particulier les bibliothécaires

Comment vendre plus de livres? L'un des moyens les plus connus est de s'adresser à des prescripteurs de livres, des gens qui conseillent les ouvrages sous format papier ou ebook aux autres. Cela peut être Laurent Ruquier dans On n'est pas couché, Oprah Winfrey aux Etats-Unis, ou bien des professionnels en contact avec les lecteurs: libraires, ou, pourquoi pas, bibliothécaires. Mais en dehors d'offrir son bouquin à la bibliothèque du coin (en priant pour qu'il ne soit pas aussitôt classé verticalement), quelle solution pour nous autres, auteurs indépendants? Eh bien aux Etats-Unis, l'auteur Joe Konrath lance le service Ebooks Are Forever, qui s'adresse précisément aux auteurs indépendants et aux bibliothécaires en plus de s'adresser aux éditeurs. Un service à vocation mondiale.

J'ai découvert Stephen King et Asimov parce que ma bibliothécaire me les avait conseillés. Je suis peut-être le seul dans mon cas en France à avoir pu découvrir des auteurs grâce à ma bibliothécaire, mais j'en doute.

Or, qui sont les prescripteurs des bibliothèquaires? Cela peut être les usagers de la bibliothèque qui vont parler de leurs lectures ou rédiger des listes d'ouvrages qu'il désireraient voir en rayon, mais c'est à mon humble avis, bien souvent les éditeurs eux-mêmes, de manière directe ou indirecte. Je vais m'expliquer sur le terme "manière indirecte", vous allez comprendre. 

Je me demande depuis un moment comment toucher des bibliothécaires. Il m'arrive, très rarement, de vendre des trilogies ou d'autres de mes ouvrages à des bibliothèques ou médiathèques lorsque je suis en dédicace. C'est tellement rare, à vrai dire, qu'on ne peut pas parler de source annexe de revenus, plus d'exceptions qui confirment la règle. 

Comment s'y prennent les bibliothécaires pour commander des livres en général? J'ai demandé à ce sujet l'avis d'un bibliothécaire sur Facebook, Claude, qui m'a répondu: 

Pour le papier, on a un libraire, des libraires, suivant les doc que touchent les marchés (Livres adultes, documentaires adultes, livres jeunesses, Livre en gros caractères, conseils d'achat ou pas, notices bibliographiques fournies....), quelque soit leurs tailles, puisque dans les faits, à par les fameux 5% tous libraires peuvent fournir, plus ou moins vite les mêmes livres. Donc, non, Electre n'entre pas dans le dispositif...on ne l'utilise que parce que cela nous facilite le travail. Documents encore édités ou pas, les prix...

Pour le livre électronique, c'est plus compliqué, puisque 1, tout est loin d'être numérisé, et 2, accessible, bloqué par les éditeurs eux mêmes. Nous, on passe par la librairie le Divan. Mais d'autres par le fumeux PNB... ou encore
NUMILOG. Dans tous les cas, ce sont eux qui gèrent les droits d'auteurs.. les médiathèques n'en ont pas les structures, impossible.


Je reviens maintenant sur le fait que les éditeurs soient les prescripteurs indirects des bibliothécaires. Claude travaille avec des libraires pour les livres papier et pour le numérique, notamment la librairie Le Divan. Quels sont les ouvrages que l'on retrouve de manière permanente en librairie? Ceux diffusés par les éditeurs, bien entendu. CQFD. 

Numilog est accessible aux auteurs autoédités, mais reste coûteux (je crois que c'est 90 euros par livre numérisé par leurs soins). 

Le problème des bibliothécaires travaillant avec des libraires et des éditeurs, c'est qu'ils risquent de se retrouver avec des ouvrages numériques (ebooks) blindés de DRM, peu pratiques pour leurs lecteurs, dont ils ne possèdent pas les licences d'exploitation (louées) et surtout, qui leur reviennent très cher. 

C'est ce qu'explique Joe Konrath dans son article à propos d'Ebooks Are Forever. 

Ebooks Are Forever distribue aux libraires des ebooks au prix de 7,99$ pour des romans complets et entre 3,99 et 4,99$ pour des textes plus courts. Les auteurs reçoivent 70% et gardent leurs droits sur leurs ebooks. Les bibliothécaires pourront acheter davantage d'exemplaires qu'un par titre si nécessaire. 

Un fois qu'un bibliothécaire a acheté un titre, il peut le garder indéfiniment, mais il ne peut être lu que par un usager à la fois. Pour que plusieurs usagers lisent le même titre en même temps, il faut acheter plusieurs fois l'ebook. 

Que les auteurs autoédités ne se réjouissent pas trop vite, cependant, pour fiabiliser son service, et obtenir une bonne réputation auprès des bibliothèques, Joe Konrath et son associé, August Wainwright, recherchent dans un premier temps des ebooks autoédités, ou édités par des éditeurs traditionnels, de premier plan: c'est à dire que non seulement ces ebooks doivent être très bien corrigés, mais ils doivent avoir un gros potentiel de demande auprès des usagers des bibliothèques. Ce sont typiquement des ouvrages que l'on retrouvera dans les listes de bestsellers ou bénéficiant de plus de 100 commentaires favorables, même s'il n'y a pas de véritables critères définis. 

Le site ne veut en effet exclure personne: tous les auteurs peuvent s'y inscrire, mais dans un premier temps, seuls les ebooks les plus prestigieux figureront dans le catalogue proposé aux bibliothèques. 

Dans un deuxième temps, les bibliothécaires auront la possibilité de naviguer eux-mêmes sur le site, et de remplir leurs paniers avec les ouvrages de tous les auteurs, comme ils le feraient par exemple sur Amazon. Et le site s'étendra au niveau mondial.

Si vous êtes auteur autoédités, vous pouvez ne pas lire la suite de cet article, parce que cela va devenir plus technique et ennuyeux, cette partie de l'article de Joe, que je traduis de mon mieux, s'adressant avant tout aux bibliothécaires. 

Le problème des bibliothèques, c'est que chacun fait sa petite cuisine dans son coin, et il n'y a pas de véritable standardisation du service.  Chacune doit réinventer la roue.

Il s'agit donc de concevoir l'API la plus performante possible. Une API permet deux relier deux logiciels différents sans intervention humaine

L'API est ce qui doit permettre au catalogue d'Ebooks Are Forever (EAF) de s'intégrer dans chaque catalogue utilisé par les bibliothécaires sans problème.

L'un des objectifs d'EAF est de se conformer aux exigences de ReadersFirst, une organisation représentant 200 millions de lecteurs aux Etats-Unis et au Canada.

Ouverture et facilité d'accès pour les bibliothécaires sont les deux maîtres mots d'EAF. 

En ce moment, EAF a besoin de plus de contenu. La date de lancement complète d'EAF est fixée au début de l'été. EAF s'adressera aussi bien à des bibliothèques individuelles qu'à des groupes de bibliothèques en plus de s'adresser aux auteurs et éditeurs. 

Pour le moment, les bibliothèques pourront acheter plusieurs exemplaires d'un même ebook pour des usages simultanés. Dans le futur, à condition de payer un peu plus, il est prévu d'autoriser l'usage illimité pour les bibliothèques. 

Les études montrent que les usagers de bibliothèques achètent 3,2 livres de plus que celui emprunté par mois. 

Des applications seront développées pour que les bibliothécaires puissent utiliser l'API sans problème. 

Chaque bibliothèque qui achète des titres reçoit des fichiers ONIX 3.0 contenant les données (metadata) nécessaires pour créer des enregistrements MARC adéquats. De nombreux scénarios de croisement de données ONIX et MARC sont utilisés. 

***Fin de la partie technique ***

Qu'est-ce que j'en pense à titre personnel? Disons que le scénario de téléchargement illimité des ebooks par des bibliothèques en échange d'un prix fixe, en toute facilité pour l'usager de la bibliothèque, sans qu'il se déplace, me fait un peu froid dans le dos: si cela se sait auprès des lecteurs, on risque d'avoir des gens téléchargeant de manière illimitée gratuite tous les titres en toute légalité, ce qui n'est pas vraiment le but quand on est auteur. 

D'un autre côté, Ebooks Are Forever sera bien forcé de satisfaire les différents acteurs s'ils veulent avoir du contenu, et donc, je ne suis pas sûr que cet objectif de téléchargement illimités des titres sera réalisable à terme. 

Ebooks Are Forever est en tout cas une initiative que je soutiens, dans la mesure où les auteurs indépendants n'ont pratiquement pas accès à ce marché subsidiaire qu'est celui des bibliothèques. Quant aux bibliothécaires, ils se font exploiter par les éditeurs qui leur font payer des prix exorbitants pour de simples locations d'ebooks. Il serait donc temps qu'un service plus juste à leur égard, et à portée universelle, soit mis en place.

Après tout, c'est de l'argent public qui est mis dans les bibliothèques, et pour l'instant, les grands bénéficiaires sont les grands requins de l'édition qui exploitent le plus les auteurs. 

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