samedi 25 avril 2015

Two Giveaways and a Promo

Following the release of Turquoise Water (Ardalia vol. 2), The Breath of Aoles (Ardalia vol.1) is now promoted at $0.99 through April 30. And if you have a Goodreads account, there are also two Giveaways ending on May 25. One for each book. Good luck! 

The Breath of Aoles (Epic Fantasy) has been entirely edited in this month of April, 2015. The paperback cover of The Breath has been reworked to match the ebook cover. So, the Goodreads widget is a bit misleading, and the real paperback cover of The Breath will be this one:


Get the ebook at $0.99 before April, 30:

US Links:  Amazon  Barnes & Noble   Kobo  Apple  Smashwords

UK Links: Amazon   Apple   Nook   Kobo

Pelmen hates being a tanner, but that’s all he would ever be, thanks to the rigid caste system amongst his people, the hevelens. Then he meets Master Galn Boisencroix and his family. The master carpenter opens up a world of archery to young Pelmen, who excels at his newfound skill. But Pelmen’s intractable father would have none of it, and tries to force Pelmen to stay in the tannery.

One day, however, Pelmen’s best friend and Master Galn's son, Teleg, disappears. Lured away by the prospect of untold riches through mining amberrock, the most precious substance in the world, Teleg finds himself a prisoner of the Nylevs, fierce fire-wielding worshippers of the god of destruction.

Now Pelmen must leave all he knows behind, overcome his fears and travel across the land, in search of his childhood friend. Along the way, he will ally himself with strange and fantastic beings: a shaman who controls the Breath of Aoles, or the power of the wind, a krongos, a creature of the mineral realm who can become living rock, and a malian, adept at water magic.

Giveaways: 



Goodreads Book Giveaway

The Breath of Aoles by Alan Spade

The Breath of Aoles

by Alan Spade

Giveaway ends May 25, 2015.
See the giveaway details at Goodreads.
Enter to Win



Goodreads Book Giveaway

Ardalia by Alan Spade

Ardalia

by Alan Spade

Giveaway ends May 25, 2015.
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jeudi 23 avril 2015

Non assistance à personne en danger

Je m'éloigne aujourd'hui des sujets que je traite habituellement sur ce blog pour évoquer la loi de non assistance à personne en danger. Je le fais à la fois parce que j'estime que trop de gens vivent dans un contexte de peur exacerbée (éteignez-moi ce poste de radio!), et parce qu'un souvenir m'est revenu à l'esprit la nuit dernière. 

C'était entre 1992 et 1995. J'étais jeune étudiant à l'Ecole de Journalisme (Paris Tolbiac) à l'époque. Je me trouvais sur le quai en courbe d'une station du RER B à Paris. Je crois bien que c'était Denfert-Rochereau. 

Je regardais sans rien voir comme souvent, jusqu'à ce que mes yeux se posent sur une jeune femme blonde étrangement proche du bord du quai. Beaucoup trop proche. 

Elle devait être à une quinzaine ou une vingtaine de mètres de moi. Il y avait d'autres voyageurs entre nous. Je la fixai, et c'est à ce moment que j'ai vu son corps osciller.

Personne ne semblait avoir conscience d'elle aux alentours. Le RER ne devait plus tarder à entrer en gare. Je n'en revenais pas de ce qui semblait sur le point de se passer à l'insu de tous sauf moi. La vie pouvait-elle être si stupide?

Je ne cessai de la dévisager, et enfin elle tourna vers moi son visage. Celui-ci était baigné de larmes.

Nos regards se sont croisés, et je lui ai fait un signe de tête négatif. Elle est restée comme accrochée à mon regard, et enfin elle a reculé. 

Aujourd'hui encore, je regrette de ne pas être allé la voir dans son compartiment pour lui demander ce qui n'allait pas dans sa vie. La cloche de verre dont s'entourent la plupart des Parisiens et banlieusards, et surtout, ma grande timidité d'alors. 

A tort ou à raison, j'ai eu, et j'ai encore aujourd'hui, le sentiment d'avoir interféré dans la vie de cette jeune femme. Je suis sorti de mon devoir de réserve et de ma cloche de verre l'espace d'un instant chargé d'une incroyable intensité. 

Je n'avais absolument pas conscience à ce moment de n'avoir fait que mon simple devoir de citoyen (mais peut-on vraiment parler d'action?). Si je m'étais contenté de la regarder d'un regard vide, ou de l'ignorer, j'aurais été sous le coup de la loi de non assistance à personne en danger. 

Peut-être d'ailleurs, le fait de n'avoir agi que par le regard et un mouvement de tête me fait-il malgré tout tomber sous le coup de cette loi.

Ce n'est pas cette loi qui a commandé mon action alors, mais je réalise à présent que l'on ne m'a jamais formé à prendre les transports en commun.

Eh oui, je pense qu'il devrait y avoir une formation pour les collégiens ou lycéens afin qu'ils sachent comment réagir en situation d'urgence, précisément dans les transports.

Que dit cette loi de non assistance à personne en danger? Selon Wikipédia:

La non-assistance à personne en danger est l'engagement de la responsabilité pénale d'une personne qui n'interviendrait pas face à une personne courant un danger.
L'engagement a lieu si :
  • la personne a connaissance du danger ;
  • elle est en mesure d'agir ;
  • l'action ne présente pas de danger pour la personne ni pour un tiers.
Je repense aussi à ces cas où j'ai assisté à des agressions verbales d'hommes ou de femmes dans les transports en commun, sans doute de manière trop passive. 

Evidemment, si l'agresseur est armé, intervenir présenterait du danger. Evidemment, on ne peut pas toujours savoir si un agresseur est armé. Il existe aussi des agresseurs tellement balèzes qu'ils n'ont pas besoin d'être armés pour présenter un danger.  Ils peuvent aussi agir en bandes.

Mais bon. Il y a toujours moyen d'actionner un signal d'alarme si on se sent dépassé. J'ai déjà vu plusieurs personnes réagissant de concert contre un ou plusieurs agresseurs, et dans l'écrasante majorité des cas, sauf situation vraiment extrême où les agresseurs sont armés, les voyous prennent la fuite sans même qu'il y ait besoin de tirer le signal d'alarme.

Mine de rien, malgré son appellation digne d'un Père Fouettard, cette loi de non assistance à personne en danger fait de chacun de nous l'ange-gardien de son prochain (le saviez-vous? Aux Etats-Unis et au Canada, il y a une loi dite du bon samaritain qui protège contre d'éventuelles poursuites les gens qui essaient de réanimer un blessé.).

Je crois que nous aurions intérêt d'avoir cette loi de non assistance à personne en danger à l'esprit en prenant les transports. Ainsi que les gestes de premiers secours. Non pour renforcer la psychose, mais au contraire pour la combattre, en sachant que même si nous abritons en temps normal notre intimité derrière des cloches de verre, nous ne sommes pas seuls face à l'adversité.

Et aussi, parce qu'un homme averti en vaut deux.

vendredi 17 avril 2015

A brief history of Ardalia

Good news! Following the release of Turquoise Water, Amazon has set my short story A brief history of Ardalia free. Now you are able to discover the background of the Ardalia universe, and much more...

http://issuu.com/emmanuel/docs/a_brief_history_of_ardalia



This mythological, not to say cosmogonic, story describes in a few pages the genesis of the four great civilizations of Ardalia and the most significant events preceding the Ardalia trilogy. For those who have read The Breath of Aoles, Turquoise Water and The Flames of the Immolated, it offers an interesting shift of perspective. For others, it permits an easy introduction to the details of the universe while furnishing a complete synoptic history from a different viewpoint.

As a bonus: the five first chapters of The Breath of Aoles (Ardalia, Book One) are also included. 

You can also discover the first three chapters of Turquoise Water (Ardalia, Book Two) by clicking on the cover below: 

http://issuu.com/emmanuel/docs/turquoise_water_ebook_three_chapter 


UK Links: Amazon   Apple   Nook   Kobo


Along the Great Rift, in the heart of the volcano Ixal, Valshhyk the Immolated is stirring. The creatures corrupted by his putrid fumes are growing in number daily. Within the fiery walls of Sinista the amberrock swords, axes and lances of an army of outcasts gleam, waiting. The day is drawing near when the ties binding the dark god will collapse. Then, the nylevs will surge forward from the depths of the abyss.
Pelmen, Xuven, Teleg, Elisan-Finella and Lominan, the Messengers of Destiny, have an urgent mission. However, dissent soon rears its ugly head and they go their separate ways. Who among the Children of Aoles or Malia will succeed in warning the world of the danger it faces? When the time comes to confront the servants of the Sacred Fire, will the Breath of Aoles and the power of Turquoise Water be enough to defeat them?


Ardalia is the second book of the Ardalia trilogy, the first one being The Breath of Aoles.

mardi 14 avril 2015

Do digital goods "want" to be free?

The huge success of the Internet mainly comes from the instant sharing of data and information, but also from the sharing of works that technology allows us to digitize: books, and particularly ebooks, music (MP3 format), movies (DivX format) video games, and even online encyclopedias like Wikipedia. Some Internet theorists go so far as to say that digital goods (data that is summarized with 0 and 1 in various forms, encompassing books, music and video) "want" to be free, which is summarized in this sentence: "information wants to be free". The most "activist" ones, anarchists from the cyberpunk movement, think that all digital goods should be free.

One could say that the universal sharing allowed by the Internet is the only form of communism that has succeeded in reality, a utopian dream at work. And a utopian dream that works, apparently.

This constant sharing is making society evolve, and has helped revolutions to happen by speeding them up, like the Arab Spring.

That sharing allows a huge number of individuals to access culture, in a better way than libraries and multimedia libraries. We can only welcome that fact.

The English term "free", with its dual meaning of "free of charge" and "open" can be misleading. You have to distinguish between software, websites or applications that are part of a sharing philosophy like Wikipedia or Open Office and, for example, free works that are constantly promoted (permafree). 

The permanent information is combined in all its forms: both the simple exchange of facts and the authentic reality show of everyday life, which everyone can broadcast and orchestrate via Facebook, among others. At the same time authors, actors and directors of our respective slices of life. For better or for worse.

With digital technology, no more barriers: most of the paid works, in any case, the popular works, are available on illegal websites.

Except, of course, for the guilty feeling when one downloads illegally.

That little guilty twinge? According to theorists of the Internet whose thinking belongs to some of the cyberpunk currents, this is no more than an out of place thing from the past: from the moment that a digital item can be duplicated in an unlimited way by anybody without spending any resources, that item loses all its economic value.

That's the very argument the thriller author Joe Konrath has produced when debating with me in the comments section of his blog.

This argument may seem irrefutable as economically speaking, it perfectly answers the law of supply and demand: when you are able to freely duplicate digital works in as great a number as there are grains of sand in the desert, to use an analogy, each of these works is worth nothing more than a grain of sand in the desert.

And indeed, the resources needed to copy digital goods, once you have paid off the cost of the digital device, amounts only to the electricity you use, and may seem insignificant.

However, if you push the argument further, as soon as your attorney sends you your property file by email, it's because all his work has been digitized. So, this file is no longer worth anything, because it's digitized. Great, you don't have to pay your attorney anymore!

But let's go a step further into absurdity. Your deed of property is digitized. The same deed that makes you a happy owner. But wait... Not so happy, in fact, because the act of property is digitized, and is no longer worth anything! Your house no longer has any value, it belongs to everybody. Gulp.

No, no, the cyberpunks will answer, your house belongs to you, because if someone tries to take it from you, you can call the cops, and they will give it back to you. If the digital goods have no value, it's because it's impossible to protect them adequately, and because they can be hacked as often as needed.

Do you see my point? When you scratch the surface, the point of the supporters of the theory aiming at stretching the expression "information wants to be free" to digital goods as a whole is nothing but the mechanical expression of the right of the strongest. Since it's possible to hack digital goods, since everybody can benefit from that at one point, it's because those goods, economically, have no value. The fact that the book industry weighs billions of dollars is a kind of economic aberration, a relic of the past.

My interpretation of the anarchist cyberpunk line of thinking is: "since I cannot attack classic property, I'm attacking intellectual property."

The paradox is, if you follow the line of thinking of those theorists, you have to get a bullet-proof shield in order to give back value to these goods. Goods that would then become more awkward to use, and therefore, less valuable.

When speaking about ebooks, that is what the publishers try to do: enhance the protection, but to no avail, because the hackers always find the flaw within the protection systems.

I am sure that many authors fear piracy. Some would certainly prefer for ebooks not to exist, and those are the same who see their publisher as the ultimate shield, able to protect their intellectual belongings.

The same publishers who overprice the ebooks, making them primary targets for both the hackers and the readers.

The same publishers who exploit authors, making the act of writing an ancillary activity demanding a day job to be supported.

The same publishers who masterfully play the scarcity model, windowing the release of books to increase the readers' frustration, which leads to more income for them.

On the contrary, as far as I am concerned, ebooks are a blessing. I broadcast free ebooks consistently (permafree ebooks) in order to get discovered and to sell my novels.

Nowadays, one often finds something like fifteen novels bundled priced at $0.99. According to Mark Coker, the founder of Smashwords, authors who use permafree for the first novel of their series are selling better than the others.

Such prestigious authors as Kristine Kathryn Rusch have occasionally, with their peers, put one of their novels in a bundle priced (for a limited time) for almost nothing. Sometimes authors put whole series at $0.99, or for free.

Better still, Joe Konrath has for his part invited everybody to steal his ebook as early as 2010, hacking it or downloading it. Doing this, he followed Cory Doctorow's example, who has proved that it's possible to sell ebooks while making them easy to hack, or putting them for free on his website.

That could seem counter-intuitive: why do people buy ebooks when they could download them for free? The answer in one word is gratefulness. They enjoyed the book, and want to prove their gratefulness by buying the book or its sequel, or by recommending it.

It must be acknowledged: that's a wonderful thing. But it will only stay that way if people are taught digital technology. They buy, because they are able to feel that guilty twinge when they download illegally. They feel guilty because they know efforts, time and the author's work were needed for the ebook to exist, and because they know the ebook is part of the economic system. 

Bottom line: if people begin to think digital technology is a given, we can forget any hope to make a living with digital goods. As I demonstrated, the huge discoverability issue weighs on all authors, encouraging them to give free stuff away. 

We also saw come hurtling offers like Kindle Unlimited, very seductive offers for hardcore readers, but prejudicial to such concepts like Fair Reading. Let's say it, prejudicial for the authors' income. 

Remember that debate I alluded to with Joe Konrath? The subject was Ebooks Are Forever, an online service that will allow librarians, in the future, to benefit from unlimited uses of ebooks bought once on the EAF website.

Which means that all ebooks bought under unlimited uses will become available for unlimited lending for the readers. A kind of Kindle Unlimited, but a free one this time - no longer priced at $9.99 a month. 

How can we manage to teach our children about the value of the ebooks if they become legally permanently free on the libraries' websites? Even if the project of EAF plans the ebooks to be lent only for a two week period of time, the reader would just have to switch libraries' websites to get her free ebook.

Above all, how could we provide a better defense to people who download illegally? "In any case, it's free on the libraries' websites, it's just more convenient for me to avoid the two weeks lending period."

Don't get me wrong, I'm all for libraries. I just want the uses to be limited, keeping the formula: one ebook sold, unlimited lending through time, but just one person at a time. 

I was speaking about frustration a bit earlier. I think that the publishers place the frustration slider too high. They also price too high. Amazon got it and launched Kindle Unlimited. As for us, self-published authors, we place the slider too low, so low that it becomes difficult to see the slider. Individually, we may place it at some level, but collectively,  seeing all the free ebooks, one may infer that we don't seek to make a living with our works. 

However, that slider is still there. I won't put the blame on an author who sets her 24 novels permanently free, provided she is able to prove me that she can make a living with the 25th novel.  

Going back to work in the fields or building our house with our own hands could be a blueprint for society, if you deem that all the intellectual activities are just ancillary.  I think I can say, though, that intellectual work, and the income that follows, is a great progress of the human being, provided he is able to make a decent living out of it.

Then yes, this blog post is provided freely to you, without any ad in order for me to make a return on investment. Doing that, I benefit from the fantastic freedom of the Internet. I can offer you an article, if I decided to do so.

There is no longer any economy if all becomes free. There is no economy without a frustration, from time to time. Let's learn to place the slider back at the proper place. Or else, give me a new blueprint for society with everything free, a consistent and successful one preferably.

lundi 13 avril 2015

Les biens numériques "veulent-ils" être libres et gratuits ?

L'immense succès d'Internet provient en grande partie du partage immédiat de données et d'informations, mais aussi des différentes œuvres que la technologie permet de numériser: livres, en particulier sous format ebook, musique (format MP3), films (avec notamment le Div X), jeux vidéo et même encyclopédies en ligne augmentées et enrichies en permanence telles Wikipédia.  Certains théoriciens d'Internet vont jusqu'à prétendre que les biens numériques (données se résumant à des 0 et 1 sous leur diverses formes, englobant livres, musiques et vidéos) "veulent" être libres et gratuits, ce que résume cette phrase: "information wants to be free". Les plus activistes, les anarchistes du mouvement cyberpunk, estiment même que tous les biens numériques devraient être libres et gratuits (information should be free).

On pourrait dire que le partage universel que permet Internet est le seul communisme qui ait véritablement abouti dans la réalité, une utopie qui fonctionne. En apparence, en tout cas. Ce partage permanent fait évoluer des sociétés entières au quotidien, et a pu favoriser en les accélérant des révolutions comme celle dite du Printemps arabe.

Ce partage permet l'accès à la culture pour un très grand nombre d'individus, mieux encore que ne sauraient le faire les médiathèques et bibliothèques. On ne peut que s'en féliciter. 

Le terme anglais "free", avec son double sens de "gratuit" et de "libre", a cependant tendance à entraîner des confusions. Il était important pour moi de retranscrire le double sens du terme dans le titre, parce que les promoteurs de cette expression jouent sur cette double signification. Néanmoins, il faut faire le distingo entre des logiciels qui répondent d'emblée à une philosophie du partage comme Wikipédia ou Libre Office (que j'utilise pour écrire), et des œuvres gratuites en permafree à titre promotionnel, par exemple.

L'information permanente se conjugue sous toutes ses formes: aussi bien échanges simples d'infos utiles, que véritable télé-réalité au quotidien, que tout un chacun peut diffuser et orchestrer via Facebook, entre autres. A la fois auteurs, acteurs et metteurs en scène de nos tranches de vie respectives. Pour le meilleur et pour le pire.

Avec le numérique, plus de barrière, plus de contrainte: la plupart des œuvres payantes, en tout cas les œuvres populaires, sont accessibles sur des sites de téléchargement illégal.

Sauf, évidemment, que l'on a conscience de télécharger de manière illégale.

Cette petite pointe de culpabilité? Selon des théoriciens du net dont la pensée est issue de certains courants cyberpunk, c'est un héritage de notre passé qui n'a pas lieu d'être: à partir du moment où un bien numérique peut être reproduit de manière illimitée par n'importe quel individu sans générer aucune dépense de ressources, ce bien perd toute valeur économique. 

C'est l'argument que m'a opposé l'auteur de thrillers Joe Konrath à l'occasion d'un débat dans la section commentaires de son blog (en anglais).

Cet argument peut sembler imparable dans la mesure où économiquement, il répond parfaitement à la loi de l'offre et de la demande: à partir du moment où l'on est capable de reproduire gratuitement des œuvres numériques, pour prendre une image, en aussi grand nombre qu'il y a de grains de sable dans le désert, chacune de ces œuvres numériques ne vaut pas plus qu'un grain de sable dans le désert.  

Et il est vrai que les ressources utilisées pour reproduire du numérique, une fois qu'on a amorti le prix du matériel permettant de lire de l'ebook, d'écouter de la musique ou de visionner des vidéos, se résument à l'électricité utilisée, et peuvent donc sembler négligeables.

Néanmoins, si on pousse un peu l'argument, à partir du moment où votre notaire vous envoie votre dossier de propriété par e-mail, c'est qu'il a numérisé sous format électronique tout le travail intellectuel effectué dans le cadre de son étude. Cette étude ne vaut donc plus rien, puisqu'elle est numérique. Chouette, vous n'avez plus à payer votre notaire!

Mais allons encore un peu plus loin dans l'absurdité. Votre dossier de propriété est numérisé. C'est cet acte qui fait de vous un heureux propriétaire. Mais pas si heureux que ça, en fait, puisque l'acte de propriété est numérisé, et ne vaut donc plus rien! Votre maison n'a plus aucune valeur, elle est à tout le monde! Gloups. 

Mais non mais non, vous répondront les cyberpunks, votre maison vous appartient, parce que si on cherche à vous la prendre, vous pouvez faire intervenir les flics, et elle vous sera restituée. Si les biens numériques ne valent rien, c'est parce qu'il est impossible de les protéger de manière adéquate, et qu'ils peuvent être piratés à loisir. 

Vous voyez où je veux en venir? Lorsqu'on gratte un peu, l'argumentaire des tenants de la théorie visant à étendre l'expression "l'information veut être libre" aux biens numériques dans leur ensemble se résume à une expression mécanique du droit du plus fort. Puisqu'il est possible de pirater des œuvres numériques, puisque Monsieur tout le monde en bénéficie à un moment ou un autre, c'est que ces biens, économiquement, n'ont plus de valeur. Le fait que l'industrie du livre représente des milliards de dollars de nos jours est une forme d'aberration économique, un héritage du passé. 

Mon interprétation de la pensée cyberpunk anarchiste est donc la suivante: "Je ne peux pas m'attaquer à la propriété classique parce qu'elle est trop bien protégée, je m'attaque donc à la propriété intellectuelle." 

Le paradoxe, c'est que si l'on va dans le sens de ces théoriciens, il faudrait donc des protections sur les biens numériques en béton armé pour redonner de la valeur à ces biens. Des biens qui, à l'usage, se révéleront beaucoup moins pratiques à utiliser (et donc moins valables) du fait de ces protections.

Dans le domaine du livre et de l'ebook, c'est ce qu'essayent de faire les éditeurs, mais ça ne marche pas, puisque les pirates trouvent toujours la faille des systèmes de protection.

Je suis persuadé que de nombreux auteurs ont à l'heure actuelle peur du piratage. Certains préfèreraient même sans doute que l'ebook n'existe pas, et ce sont les mêmes qui se rangent derrière des éditeurs dont ils estiment qu'ils sont le dernier rempart pour protéger leurs biens intellectuels. 

Ces mêmes éditeurs qui les exploitent et font de l'écriture, pour la très grande majorité des auteurs traditionnellement publiés, une activité annexe qui ne saurait se passer d'un métier alimentaire pour principale source de revenus. Ces mêmes éditeurs qui jouent avec virtuosité du principe de rareté pour augmenter la frustration des lecteurs: on sort un livre grand format à une date précise, et on attend au minimum un an pour en sortir les versions numériques et poche.

A l'inverse, personnellement, je considère le numérique comme un bienfait. Je diffuse des œuvres gratuitement de manière permanente (ebooks en permafree) dans l'espoir de me faire connaître et de vendre des romans complets. Je vais jusqu'à proposer de nombreuses de mes nouvelles gratuites dans un même mois. 

Il est courant de trouver de nos jours des compilations d'une quinzaine de romans de type thriller, romance, fantasy ou SF à 0,99€. Selon Mark Coker, le fondateur de Smashwords, les auteurs qui mettent leur premier roman d'une série en permafree sont souvent ceux qui les vendent le mieux. Des auteurs aussi prestigieux que Kristine Kathryn Rusch ont, en compagnie de leurs pairs, déjà mis des romans complets dans des compilations vendues pour une bouchée de pain. Certains auteurs mettent ponctuellement des séries entières à 0,99$ ou gratuites.

Mieux encore, un auteur comme Joe Konrath a invité dès 2010 tout un chacun à voler son ebook, à le pirater et à le télécharger. Ce faisant, il s'inscrivait dans la lignée des expériences d'auteurs comme Cory Doctorow, qui ont réussi à prouver que l'on pouvait vendre des livres tout en facilitant leur piratage, ou en les mettant en libre accès sur leur site d'auteur. 

Cela peut paraître paradoxal: pourquoi des gens iraient-ils acheter des ebooks alors qu'ils peuvent les télécharger gratuitement? La réponse tient en deux mots: la gratitude. Ils ont apprécié les livres, et veulent prouver à l'auteur leur gratitude en achetant l'ebook ou en le recommandant. 

C'est une chose formidable, il faut le reconnaître, mais cela ne restera valable qu'à condition que les gens restent éduqués au numérique. Ils achètent, parce qu'ils ressentent cette pointe de culpabilité en allant télécharger illégalement. S'ils ressentent cette pointe de culpabilité, c'est parce qu'ils savent que l'ebook a coûté des efforts, du temps et du travail à l'auteur, et s'inscrit dans un contexte économique. 

Si les gens se mettent à penser que le numérique est un dû, il ne faudra plus espérer pouvoir en vivre. On a vu que les contraintes de visibilité énormes qui pèsent sur les auteurs les incitent à jouer énormément sur la gratuité, on a vu aussi débouler des offres de lecture en streaming et des offres de type Kindle Unlimited qui se sont révélées attrayantes pour les lecteurs, mais dommageables pour un concept comme celui de lecture équitable. Disons-le tout net, dommageables pour les revenus des auteurs.

Lorsque j'ai eu ce débat avec Joe Konrath dont je parlais tout à l'heure, c'était à propos d'Ebooks are Forever, une bibliothèque qui devrait permettre, à terme, aux bibliothécaires de bénéficier d'un usage illimité d'ebooks achetés une seule fois sur le site EAF

Cela signifie que tous les ebooks des auteurs achetés en usage illimité seront disponibles au prêt de manière illimitée pour les lecteurs. Une sorte de Kindle Unlimited, mais gratuit cette fois et non plus à 9,99€ par mois. 

Comment espérer éduquer nos enfants à la valeur des ebooks s'ils deviennent gratuits en permanence en bibliothèque? Même si le projet prévoit qu'ils ne sont prêtés que deux semaines, le lecteur n'aura qu'à passer d'un site de bibliothécaire à un autre pour avoir son ebook gratuit.

Et surtout, surtout, quelle meilleure justification apporter à ceux qui téléchargent illégalement? "De toute façon, il est gratuit en bibliothèque, je m'évite juste la période de prêt de deux semaines". 

Je parlais de frustration tout à l'heure. J'estime que les gros éditeurs placent le curseur beaucoup trop haut dans la frustration. Amazon l'a compris en lançant Kindle Unlimited. Nous autres, auteurs autoédités avons en apparence tendance à placer le curseur très bas, tellement bas qu'il devient difficile à voir. Individuellement, nous le plaçons peut-être à un certain niveau, mais collectivement, tous les ebooks gratuits peuvent donner l'impression que nous ne cherchons pas à en vivre.

Mais il est toujours là, ce curseur. Je ne jetterai pas la pierre à un auteur qui met ses 24 romans complet gratuits en permanence en format ebook, du moment qu'il me prouve qu'il arrive à vivre de sa plume sur le 25ème roman. Faut-il encore qu'il me le prouve.

Cela peut être un projet de société de retourner tous vivre dans les champs ou d'aller tous construire des maisons de nos propres mains en considérant que les activités intellectuelles sont de simples activités annexes. Je crois pouvoir dire, pourtant, que le travail intellectuel, et la rémunération qui en découle, constitue un beau progrès de l'être humain dans la mesure où cette rémunération lui permet de vivre décemment. 

Alors, oui, cet article vous est livré gratuitement, sans pub sur ce blog pour le rentabiliser. Je profite, ce faisant, de l'énorme liberté d'Internet, qui me permet de vous offrir un article si j'en ai décidé ainsi.

Il n'y a pas d'économie si tout devient gratuit. Il n'y a pas d'économie sans frustration, à un moment, quelque part. Sachons replacer le curseur au bon endroit. Ou alors, que l'on me présente un projet de société cohérent et abouti où tout devient gratuit.

jeudi 9 avril 2015

Iggybook, un joli cadeau pour les auteurs

Développé par la société Storylab, Iggybook, "plate-forme de marketing digital", permet aux auteurs de bénéficier gratuitement d'un site Internet de facture professionnelle. Trop beau pour être vrai? Le site a aussi pour objectif propre de se rentabiliser sur les services premium de base et spécifiques (retour de lecture, traduction, corrections, design de la couverture et bien d'autres). Je l'ai testé en me créant un site d'auteur pour mes livres en anglais.

La formule payante de base revient à entre 10 et 15€ par mois selon que l'on choisisse de payer à l'année (10€) ou mensuellement (15€). Cette formule permet de bénéficier de la création d'ebooks en ligne, de la vente directe sur votre site d'auteur de vos ebooks, avec 100% des revenus touchés par l'auteur, de toucher les lecteurs à l'aide d'une newsletter, et d'accéder aux différents services tels que ceux cités précédemment: retour de lecture, traduction, corrections, design de la couverture...

Ces services précis ont un coût: le retour de lecture d'un éditeur professionnel vous coûtera 650€ pour 500 000 signes, les relectures et corrections éditoriales sont à 0,02€ TTC par mot, le design d'une couverture basique est à 150€, et d'une couverture "Artist touch" à 350€. 

J'ai compté pas moins de treize services différents, qui peuvent comprendre aussi bien la création d'une bande annonce que celle d'un kit média, en passant par la bannière personnalisée pour votre site Iggybook. 

N'ayant pas testé ces différents services, je ne ferai pas de commentaire sur leur rapport qualité/prix. Je signale tout de même, parce que cela correspond à mon expérience personnelle, que l'autoédition ne revient pas forcément aussi cher que tous ces services additionnés pour quelqu'un désireux d'apprendre par lui-même. Mais je reconnais que si certains de ces services sont de qualité, ils peuvent vous faire gagner du temps dans votre évolution d'auteur, que vous soyez traditionnellement édité ou non (la plate-forme s'adresse à tous les auteurs sans discrimination). 

Nicolas Francannet et Patricia Duliscouet m'ayant très gentiment fait une démonstration de la création d'ebooks (accessible avec la formule de base entre 10 et 15€ par mois), je signale que les ebooks crées par Iggybook, extrêmement faciles à créer, ont un look plus pro que ceux que je fais moi-même, et notamment la présentation des chapitres. En toute franchise, cet apport me paraît toutefois minime sur de l'ebook.

Passons maintenant à ce qui intéressera au premier chef les auteurs autoédités: le site gratuit. Comme vous pouvez le constater en visitant le site que je me suis créé, les images sont de qualité, cela fait pro. J'apprécie le défilement rapide des différentes rubriques, "citation", "biographie", "mes livres", "écrire à l'auteur", "en savoir plus".

J'apprécie aussi la simplicité du site: on va droit à l'essentiel, le lecteur apprend très vite à connaître l'auteur et ses œuvres. Autre fonctionnalité sympa, lorsque un lecteur partagera votre site sur un réseau social, un texte apparaîtra automatiquement: j'ai découvert (nom de l'auteur) grâce à Iggybook. C'est valorisant pour les deux, l'auteur et la plate-forme. Gagnant-gagnant, donc. 

Comme vous pouvez toutefois le constater, puisque je n'ai présenté que des livres anglais sur mon site Iggybook (eh oui, pour mes livres en français, j'ai déjà mon propre site, qui m'a coûté de nombreuses heures de travail) l'interface n'est pas adaptée à mes lecteurs anglophones (oui, j'en ai quelques-uns ;)). C'est le premier défaut qui m'est apparu évident: pas d'option "anglais" pour traduire automatiquement l'interface. 

Ce défaut qui peut sembler minime en cache un plus gênant: impossible de customiser, c'est à dire de définir soi-même les menus. Sur le blog que vous lisez en ce moment, qui est un blog gratuit sans publicité fourni par Blogger, j'ai pourtant cette possibilité. 

Autre chose qui me gêne: le nombre de clics avant d'arriver chez un revendeur en ligne. Regardez bien en haut à gauche de ce blog. Vous avez des liens "page Amazon" ou "page Kobo" qui en un clic, vont vous permettre d'accéder à tous mes ebooks chez ces revendeurs. Liens que j'ai mis moi-même en place, bien sûr. 

Sur mon propre site, dès la page d'accueil, en faisant un peu défiler vers le bas, vous avez des liens direct vers mes livres chez trois revendeurs en ligne. En un seul clic. 

Il faut savoir que les gens auront souvent une plus grande confiance en un site comme la Fnac ou Amazon qu'en un site d'auteur, aussi pro soit-il.

Chez Iggybook, il faut un premier clic pour arriver sur la présentation courte des livres ("Mes livres"), un deuxième clic sur "En savoir plus" pour accéder à la présentation longue, un défilement vers le bas pour choisir entre la version papier et la version ebook, un troisième clic sur "Acheter l'ebook" ou "Acheter le livre papier" pour accéder aux boutons Amazon, Kobo et autres, et enfin, un quatrième clic pour arriver chez le revendeur, où il vous faudra cliquer une cinquième fois (voire plus) pour enfin acheter le livre!

Alors, certes, j'apprécie le fait qu'en survolant la couverture, le lecteur soit tout de suite informé sur le prix. Et j'ai conscience qu'en cliquant sur la couverture, il pourra, à condition que l'auteur se soit abonné en premium, acheter plus vite le livre, directement sur le site. 

Mais tout de même, tout cela manque de percussion, d'impact, de côté pratique pour le lecteur au moment le plus critique pour moi auteur, quand il doit passer à l'acte d'achat. 

Si vous avez une grosse plate-forme de lecteurs, cela vaut sans doute le coup (et le coût) de permettre au lecteur d'acheter directement sur le site en vous abonnant en premium. Mais si vous êtes auto-édité et que vous ayez une grosse plate-forme, il y a fort à parier que vous ayez déjà votre propre site, et que vous l'ayez architecturé de manière à obtenir des ventes directes ou indirectes. 

L'autre problème que je vois avec Iggybook, c'est l'indépendance. Ceux qui lisent ce blog savent peut-être qu'auparavant, je passais par Overblog. Or, il a suffi qu'un milliardaire rachète Overblog pour que cette plate-forme se transforme en nid à publicités (pour mes lecteurs, pas un nidepoux mais un nidepubs). 

Que se passera-t-il pour votre site d'auteur si Iggybook est racheté par un éditeur comme Hachette? Que se passera-t-il si demain, Iggybook met la clé sous la porte? Ce sont des questions ouvertes, et je n'ai pas la réponse. Connaissant la volatilité du milieu de l'édition et d'Internet, je dirais qu'il est prudent de se les poser, ces questions. 

Est-ce que je conseillerais Iggybook à un auteur? Dans la mesure où il est très facile de se faire son site d'auteur sur Iggybook, je dirais que c'est toujours une bouteille qu'on peut jeter à la mer. En d'autres termes, pourquoi pas. Sachez tout de même que dans l'état actuel des choses, je ne le perçois pas comme un outil de vente très efficace pour l'auteur. L'absence de customisation du site est un défaut majeur à mon sens, qui sera peut-être d'ailleurs réparé à terme, le site étant toujours en phase beta.

Au final, je conseillerais à un auteur de se faire sa propre opinion, à la fois sur le site en lui-même et sur les services premium.

Examinez les différents services premium proposés, parce que certains de ces services sont pertinents et jouent vraiment un rôle dans notre carrière d'auteur (on peut les examiner sans acheter). 

Mon avis général reste réservé tout simplement dans la mesure où je n'ai pas testé ces services. Si un autre auteur fait appel à certains des services proposés et rend compte de son expérience, le présent article pourra être avantageusement enrichi et complété par d'autres.

mercredi 1 avril 2015

Toucher les prescripteurs de livres, et en particulier les bibliothécaires

Comment vendre plus de livres? L'un des moyens les plus connus est de s'adresser à des prescripteurs de livres, des gens qui conseillent les ouvrages sous format papier ou ebook aux autres. Cela peut être Laurent Ruquier dans On n'est pas couché, Oprah Winfrey aux Etats-Unis, ou bien des professionnels en contact avec les lecteurs: libraires, ou, pourquoi pas, bibliothécaires. Mais en dehors d'offrir son bouquin à la bibliothèque du coin (en priant pour qu'il ne soit pas aussitôt classé verticalement), quelle solution pour nous autres, auteurs indépendants? Eh bien aux Etats-Unis, l'auteur Joe Konrath lance le service Ebooks Are Forever, qui s'adresse précisément aux auteurs indépendants et aux bibliothécaires en plus de s'adresser aux éditeurs. Un service à vocation mondiale.

J'ai découvert Stephen King et Asimov parce que ma bibliothécaire me les avait conseillés. Je suis peut-être le seul dans mon cas en France à avoir pu découvrir des auteurs grâce à ma bibliothécaire, mais j'en doute.

Or, qui sont les prescripteurs des bibliothèquaires? Cela peut être les usagers de la bibliothèque qui vont parler de leurs lectures ou rédiger des listes d'ouvrages qu'il désireraient voir en rayon, mais c'est à mon humble avis, bien souvent les éditeurs eux-mêmes, de manière directe ou indirecte. Je vais m'expliquer sur le terme "manière indirecte", vous allez comprendre. 

Je me demande depuis un moment comment toucher des bibliothécaires. Il m'arrive, très rarement, de vendre des trilogies ou d'autres de mes ouvrages à des bibliothèques ou médiathèques lorsque je suis en dédicace. C'est tellement rare, à vrai dire, qu'on ne peut pas parler de source annexe de revenus, plus d'exceptions qui confirment la règle. 

Comment s'y prennent les bibliothécaires pour commander des livres en général? J'ai demandé à ce sujet l'avis d'un bibliothécaire sur Facebook, Claude, qui m'a répondu: 

Pour le papier, on a un libraire, des libraires, suivant les doc que touchent les marchés (Livres adultes, documentaires adultes, livres jeunesses, Livre en gros caractères, conseils d'achat ou pas, notices bibliographiques fournies....), quelque soit leurs tailles, puisque dans les faits, à par les fameux 5% tous libraires peuvent fournir, plus ou moins vite les mêmes livres. Donc, non, Electre n'entre pas dans le dispositif...on ne l'utilise que parce que cela nous facilite le travail. Documents encore édités ou pas, les prix...

Pour le livre électronique, c'est plus compliqué, puisque 1, tout est loin d'être numérisé, et 2, accessible, bloqué par les éditeurs eux mêmes. Nous, on passe par la librairie le Divan. Mais d'autres par le fumeux PNB... ou encore
NUMILOG. Dans tous les cas, ce sont eux qui gèrent les droits d'auteurs.. les médiathèques n'en ont pas les structures, impossible.


Je reviens maintenant sur le fait que les éditeurs soient les prescripteurs indirects des bibliothécaires. Claude travaille avec des libraires pour les livres papier et pour le numérique, notamment la librairie Le Divan. Quels sont les ouvrages que l'on retrouve de manière permanente en librairie? Ceux diffusés par les éditeurs, bien entendu. CQFD. 

Numilog est accessible aux auteurs autoédités, mais reste coûteux (je crois que c'est 90 euros par livre numérisé par leurs soins). 

Le problème des bibliothécaires travaillant avec des libraires et des éditeurs, c'est qu'ils risquent de se retrouver avec des ouvrages numériques (ebooks) blindés de DRM, peu pratiques pour leurs lecteurs, dont ils ne possèdent pas les licences d'exploitation (louées) et surtout, qui leur reviennent très cher. 

C'est ce qu'explique Joe Konrath dans son article à propos d'Ebooks Are Forever. 

Ebooks Are Forever distribue aux libraires des ebooks au prix de 7,99$ pour des romans complets et entre 3,99 et 4,99$ pour des textes plus courts. Les auteurs reçoivent 70% et gardent leurs droits sur leurs ebooks. Les bibliothécaires pourront acheter davantage d'exemplaires qu'un par titre si nécessaire. 

Un fois qu'un bibliothécaire a acheté un titre, il peut le garder indéfiniment, mais il ne peut être lu que par un usager à la fois. Pour que plusieurs usagers lisent le même titre en même temps, il faut acheter plusieurs fois l'ebook. 

Que les auteurs autoédités ne se réjouissent pas trop vite, cependant, pour fiabiliser son service, et obtenir une bonne réputation auprès des bibliothèques, Joe Konrath et son associé, August Wainwright, recherchent dans un premier temps des ebooks autoédités, ou édités par des éditeurs traditionnels, de premier plan: c'est à dire que non seulement ces ebooks doivent être très bien corrigés, mais ils doivent avoir un gros potentiel de demande auprès des usagers des bibliothèques. Ce sont typiquement des ouvrages que l'on retrouvera dans les listes de bestsellers ou bénéficiant de plus de 100 commentaires favorables, même s'il n'y a pas de véritables critères définis. 

Le site ne veut en effet exclure personne: tous les auteurs peuvent s'y inscrire, mais dans un premier temps, seuls les ebooks les plus prestigieux figureront dans le catalogue proposé aux bibliothèques. 

Dans un deuxième temps, les bibliothécaires auront la possibilité de naviguer eux-mêmes sur le site, et de remplir leurs paniers avec les ouvrages de tous les auteurs, comme ils le feraient par exemple sur Amazon. Et le site s'étendra au niveau mondial.

Si vous êtes auteur autoédités, vous pouvez ne pas lire la suite de cet article, parce que cela va devenir plus technique et ennuyeux, cette partie de l'article de Joe, que je traduis de mon mieux, s'adressant avant tout aux bibliothécaires. 

Le problème des bibliothèques, c'est que chacun fait sa petite cuisine dans son coin, et il n'y a pas de véritable standardisation du service.  Chacune doit réinventer la roue.

Il s'agit donc de concevoir l'API la plus performante possible. Une API permet deux relier deux logiciels différents sans intervention humaine

L'API est ce qui doit permettre au catalogue d'Ebooks Are Forever (EAF) de s'intégrer dans chaque catalogue utilisé par les bibliothécaires sans problème.

L'un des objectifs d'EAF est de se conformer aux exigences de ReadersFirst, une organisation représentant 200 millions de lecteurs aux Etats-Unis et au Canada.

Ouverture et facilité d'accès pour les bibliothécaires sont les deux maîtres mots d'EAF. 

En ce moment, EAF a besoin de plus de contenu. La date de lancement complète d'EAF est fixée au début de l'été. EAF s'adressera aussi bien à des bibliothèques individuelles qu'à des groupes de bibliothèques en plus de s'adresser aux auteurs et éditeurs. 

Pour le moment, les bibliothèques pourront acheter plusieurs exemplaires d'un même ebook pour des usages simultanés. Dans le futur, à condition de payer un peu plus, il est prévu d'autoriser l'usage illimité pour les bibliothèques. 

Les études montrent que les usagers de bibliothèques achètent 3,2 livres de plus que celui emprunté par mois. 

Des applications seront développées pour que les bibliothécaires puissent utiliser l'API sans problème. 

Chaque bibliothèque qui achète des titres reçoit des fichiers ONIX 3.0 contenant les données (metadata) nécessaires pour créer des enregistrements MARC adéquats. De nombreux scénarios de croisement de données ONIX et MARC sont utilisés. 

***Fin de la partie technique ***

Qu'est-ce que j'en pense à titre personnel? Disons que le scénario de téléchargement illimité des ebooks par des bibliothèques en échange d'un prix fixe, en toute facilité pour l'usager de la bibliothèque, sans qu'il se déplace, me fait un peu froid dans le dos: si cela se sait auprès des lecteurs, on risque d'avoir des gens téléchargeant de manière illimitée gratuite tous les titres en toute légalité, ce qui n'est pas vraiment le but quand on est auteur. 

D'un autre côté, Ebooks Are Forever sera bien forcé de satisfaire les différents acteurs s'ils veulent avoir du contenu, et donc, je ne suis pas sûr que cet objectif de téléchargement illimités des titres sera réalisable à terme. 

Ebooks Are Forever est en tout cas une initiative que je soutiens, dans la mesure où les auteurs indépendants n'ont pratiquement pas accès à ce marché subsidiaire qu'est celui des bibliothèques. Quant aux bibliothécaires, ils se font exploiter par les éditeurs qui leur font payer des prix exorbitants pour de simples locations d'ebooks. Il serait donc temps qu'un service plus juste à leur égard, et à portée universelle, soit mis en place.

Après tout, c'est de l'argent public qui est mis dans les bibliothèques, et pour l'instant, les grands bénéficiaires sont les grands requins de l'édition qui exploitent le plus les auteurs.