mercredi 10 septembre 2014

[Archive 18/12/2012] Faut-il être pour ou contre Amazon ?

Avec son Kindle, Amazon a révolutionné l'industrie du livre outre Atlantique. En compagnie d'autres acteurs, ce grand groupe est en train de réaliser la même chose en Europe. Je suis satisfait de pouvoir vendre sans DRM (verrou numérique)* mes ebooks sur le Kindle Store. Je suis reconnaissant envers Amazon de faire décoller mes ventes, notamment des deux premiers tomes du cycle d'Ardalia. Comme la plupart des auteurs autoédités, je lui suis aussi très reconnaissant d'amener une véritable concurrence aux éditeurs traditionnels. Malgré tout cela, je n'oublie pas qu'Amazon est un grand groupe. En tant que tel, comme les autres, il a tendance à viser l'hégémonie sur le marché. C'est pourquoi il est à mes yeux essentiel de favoriser la diversité et la concurrence sur le marché des liseuses électroniques. Et d'autant plus qu'avec les logiques propriétaires, les lecteurs ont tendance à devenir "captif" de leur liseuse, c'est à dire qu'il leur est difficile d'aller vers une autre une fois qu'ils ont pris leurs habitudes. Si j'ai un message à faire passer aux auteurs, c'est : "attention à ne pas avoir la vue trop courte." J'ai donc décidé de ne pas opter pour le système KDP Select qui prévoie de donner l'exclusivité sur ses ebooks pendant trois mois à Amazon. Et ce, quelles que soient les augmentations possibles du chiffre de vente grâce à ce système. 


C'est là une différence majeure entre l'auteur américain Joe Konrath, et moi-même. Lui a opté pour KDP Select. Il refuse pour le moment de se prononcer sur l'intérêt de ce système, mais a tout de même laissé entendre de très fortes ventes grâce à KDP Select et a dit, à propos de l'exclusivité : "ce n'est que pour trois mois, alors que les ebooks, c'est pour la vie." A cela, je lui répondrais : les ebooks, c'est pour la vie, en effet, mais les sociétés qui produisent des liseuses sont périssables. Cela implique des investissements massifs. En cette période cruciale d'émergence de ce marché, si les gens se détournent d'une liseuse parce que, pendant trois mois, leurs auteurs favoris ne seront pas dessus, la société qui produit cette liseuse a de fortes chances de péricliter.


On va me rétorquer: "c'est le business." Oui, mais justement, nous autres auteurs indépendants pouvons influer sur le business. Nous avons ce pouvoir. Joe Konrath n'a pas toujours tenu son discours d'aujourd'hui envers les éditeurs traditionnels. En 2005, dans ce billet, il avait plutôt tendance à les défendre. Il disait en substance : "plutôt que de critiquer votre éditeur, demandez-vous ce que vous avez fait pour lui." Un changement radical avec le dernier billet sur son blog, auquel j'adhère d'ailleurs totalement, et où il recommande aux auteurs qui connaissent de fortes ventes sur Kindle de se méfier des sirènes des éditeurs.


On peut comprendre ce revirement. Quand vous avez un boulot, vous n'avez pas envie de dire du mal du patron sous peine de prendre la porte. Et quand vous en trouvez un autre, vous reprenez vos libertés à l'égard du premier. C'est humain, et j'ai réagi de la même manière à mes débuts chez Lokomodo. Mais justement, nous avons l'opportunité, nous autres auteurs autopubliés, d'avoir plusieurs patrons et non un seul. Je veux dire, si nous permettons à Amazon d'écraser la concurrence et de rester seul aux commandes, nous deviendrons totalement dépendants. Ça fait réfléchir, non ?


Donc, je préfère Konrath quand il recommande aux auteurs de vendre leurs ebooks sur leur site que lorsqu'il parle de KDP Select. Cette opération d'Amazon n'est d'ailleurs pas seule en cause. D'autres dangers pointent à l'horizon. Celui, par exemple, d'une entente entre concurrents visant à diminuer la rémunération des auteurs. Comment réagir à cela ? Eh bien la bonne nouvelle, c'est qu'en devenant indépendants, les auteurs gagnent un bien précieux entre tous : la liberté de parole. Ils peuvent dénoncer ce qui ne leur plaît pas. Ils peuvent aussi choisir de retirer leurs ebooks de telle ou telle librairie en ligne. Ou bien de n'y mettre, à très bon marché, que des versions tronquées en invitant le lecteur, s'il a aimé le début du livre, à lire la suite en récupérant le fichier complet sur le site de l'auteur.


Nous n'en sommes pas encore là, fort heureusement. Mais les auteurs doivent se souvenir que s'ils ne publient que chez un libraire en ligne, celui-ci deviendra de fait leur éditeur. C'est changer de maître pour un autre. Et, selon toute vraisemblance, ne serait-ce que par la force de l'autocensure, cela revient à se priver de sa liberté de parole.



*Pour dupliquer un ebook sans DRM en provenance du Kindle Store, il suffit de le télécharger sur PC et d'aller sur le dossier "My Kindle content". On peut ensuite transférer l'ebook sur clé USB, sur sa liseuse ou même, le transformer en epub via un logiciel gratuit, Calibre. Cela permettra de le lire sur d'autres appareils.

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