vendredi 12 septembre 2014

[Archive 16/05/2012] Pour en savoir plus sur la plainte contre Apple et les éditeurs

Un article très synthétique sur l'affaire de collusion sur les prix des ebooks entre Apple et les éditeurs m'a été signalé sur le site Macgeneration. Cet article, contrairement à ceux d'ActuaLitté, reste factuel et ne prend pas parti. Néanmoins, il suffit de le lire pour ne plus guère avoir de doute sur la collusion en question.

Voici les réflexions que j'en tire :

- Historiquement, cette collusion autour de l'accord d'agence est favorable au développement de l'ebook, car elle a contraint tous les grands éditeurs à s'y mettre. Néanmoins, on voit bien de quel côté est l'avidité : les éditeurs gagnent énormément sur la vente d'ebooks.
- Comme le dit Steve Jobs, cet accord aura contribué, très certainement, à un bien meilleur dynamisme des concurrents d'Amazon comme Barnes & Noble avec son Nook, et comme Kobo : en ayant la possibilité de vendre les ebooks des grands éditeurs, même à prix (trop) élevé, ils ont pu attirer des lecteurs et lancer leur business dans de bonnes conditions. 

- Cet accord aura été aussi favorable aux autoédités, en contraignant Amazon à se tourner vers eux pour contrecarrer les éditeurs en s'appuyant sur les prix très attractifs des autoédités. Cela confirme mon hypothèse selon laquelle c'est grâce à Apple que les auteurs indépendants et les éditeurs bénéficient d'une remise de 70% (auparavant, on était à 30% chez Amazon, aux Etats-Unis).
- On parle beaucoup de la vente à perte d'Amazon : elle semble bien avoir eu lieu en effet, mais uniquement pour des best-sellers. Amazon aurait perdu trop d'argent s'ils l'avaient fait pour tous les livres des éditeurs concernés. Par ailleurs, le nouvel agrément du Département américain de la Justice interdit la vente à perte.

- Je ne pense pas qu'Amazon aurait réussi à contraindre les grands éditeurs à vendre à plus bas prix comme le disait Steve Jobs dans l'article de Macgeneration : "vous restez sur les 9,99$ d'Amazon. Vous gagnerez un peu plus d'argent sur le court terme, mais à moyen terme, Amazon vous dira qu'ils vont vous payer 70% de 9,99$ (sous-entendu, encore moins que le prix de vente - à perte - pratiqué par la firme de Jeff Bezos, ndr). Eux aussi ont des actionnaires." A mon avis, les grands éditeurs auraient retiré leurs best-sellers du Kindle Store dans ce cas.
- L'article confirme bien qu'il y a eu collusion entre les grands éditeurs et Apple, avec pour effet de monter les prix des ebooks aux dépens des lecteurs.

- Je suis d'accord pour dire qu'Amazon n'est pas un blanc mouton et qu'il poursuit des buts hégémoniques, mais ni plus ni moins que ses concurrents. Et c'est apparemment le seul acteur dont le modèle économique est vraiment favorable aux lecteurs, avec cette volonté de faire baisser les prix. D'où le fait qu'il ait été favorisé par le Département américain de la justice (DoJ).

- Apple, Macmillan et Penguin ont eu tort de ne pas accepter l'accord proposé par le DoJ : ils vont maintenant avoir affaire aux avocats anti-trust du gouvernement américain. Le dernier grand acteur à avoir eu affaire à eux est Microsoft, pour son procès d'abus de position dominante. Les analystes estiment que Crosoft a perdu sa position dominante au profit d'Apple suite à ce procès. Apple sera peut-être moins touché, mais si jamais les avocats anittrust du gouvernement fourrent leur nez dans les comptes des éditeurs Penguin et Macmillan (et ils le feront certainement), ils vont très certainement découvrir des pratiques d'un autre âge, notamment dans les rapports avec les agents et les auteurs et dans les droits d'auteur versés à ces derniers.

- En général, les gouvernements laissent les grands éditeurs commettre tranquillement leurs petits crimes en famille. S'ils se sont d'un seul coup retrouvé dans le collimateur du DoJ, c'est tout simplement parce que celui-ci a le regard rivé sur les grands groupes comme Apple, Microsoft et Google.

A voir aussi, l'info sur le blog Aldus. Mon avis diverge totalement par rapport à la conclusion de l'article d'Aldus : C'est Amazon qui doit se frotter les mains et nous français de bénir notre loi sur le prix unique qui nous met à l'abri de la prédation par les prix. Quelle serait la situation en France à l'heure où je vous parle...

Le prix unique des ebooks fait perdre chaque jour beaucoup d'argent aux personnes qui achètent des ebooks. Il protège sans contrepartie les grands éditeurs, qui exploitent sans vergogne les auteurs et les lecteurs. Ce prix unique, en garantissant des prix hauts pour les ebooks (du moins tant qu'en France, une enquête n'aura pas mis en évidence la collusion des grands éditeurs sur ces prix hauts visant à protéger le livre de poche), nuit également à l'attractivité des lecteurs d'ebooks, et à tous les acteurs comme Kobo, Sony, Bookeen ou Amazon qui en bénéficient. Et bien sûr, par ricochet, aux petits éditeurs et auteurs indépendants.

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