mardi 30 septembre 2014

[Archive 11/04/2010] Récriminer ou être un mouton

Lorsqu'on est auteur édité, on a parfois l'impression qu'il existe peu d'alternatives entre les mille et une raisons que l'on aurait de récriminer contre son éditeur ou bien le fait de demeurer passif, dans la position du mouton qui attend d'être tondu. D'autres voies existent cependant, qui méritent d'être explorées...


Examinons tout d'abord les motifs de récrimination que l'on pourrait avoir contre les éditeurs. Cela pourra paraître surprenant qu'il puisse en exister, puisque, dans un contexte où il est si difficile de se faire publier, les éditeurs peuvent apparaître comme les hommes et les femmes providentiels, les grands philanthropes de notre temps. En un mot, les sauveurs. Mais, que voulez-vous, la nature humaine est ainsi faite, et nous autres auteurs sommes des êtres si ingrats... Voici donc une petite liste, non exhaustive, de motifs de reproches (reproches qui, pour n'être pas toujours exprimés, n'en existent pas moins, à des degrés variables d'intensité) :
 
- la marge auteur, c'est à dire l'argent touché pour chaque livre vendu, qui avec certains éditeurs, peut atteindre les 2% du prix du livre pour l'auteur et se situe plus généralement aux alentours de 8 ou 10% (ce qui reste inférieur à ce que va toucher, par exemple, le distributeur, celui qui transporte le livre jusqu'aux divers points de vente, avec 12 ou 14%)
- la qualité de la couverture, ce qui peut correspondre, si l'on affine, au choix de l'illustrateur/trice et/ou à la qualité d'impression de la couverture (et donc, au choix de l'imprimeur)
- la mise en page et la typographie
- la qualité d'impression (ce qui revient à dire, le choix de l'imprimeur)
- la qualité des corrections effectuées sur le manuscrit
- l'appui proprement littéraire (relecture sur le fond, cohérence, intérêt de l'intrigue, du suspense, qualité du style, conseils, etc.)
- la promotion (publicité presse écrite, radio, TV et Internet, envoi d'exemplaires en Service Presse)
- l'absence d'événement de lancement au moment de la sortie du livre (salon ou même simple séance de dédicaces dans une librairie)
- le défaut de participation aux grands événements littéraires de la saison
- le défaut de participation à quelque événement que ce soit
- être placé, lorsqu'on participe à un salon, juste en face d'une fenêtre, au fond de la salle, oui, là-bas, derrière les grands panneaux d'un autre éditeur (l'éditeur aura mal négocié la place...)
- de manière plus générale, les problèmes d'intendance ou la mauvaise organisation (souvent lié à un événement littéraire)
- ne pas être défrayé quand on va sur un salon, devoir payer l'hôtel
- l'éditeur ne veut pas que l'on travaille avec un agent littéraire
- l'absence de reddition des comptes (nombre de livres vendus, annonce d'un retirage...)
- le manque ou l'absence totale de communication
- le fait de ne pas être payé ou de l'être avec du retard
- le manque de respect
- l'absence d'exploitation de votre livre, ou l'interruption de son exploitation
 
Sans pour autant se transformer en mouton, un bon moyen de réduire si ce n'est de supprimer la plupart de ces petites aigreurs consiste à mettre en rapport les moyens de son éditeur avec les objectifs désirés. Le principe de réalité permet ainsi d'évacuer les exigences les plus utopistes. Méfions-nous cependant, car certains des reproches évoqués plus haut (et évidemment le dernier) constituent clairement des motifs de rupture de contrat. Il convient aussi d'avoir une appréciation claire de ce dont est capable votre éditeur, ce qui est loin d'être toujours aisé (notamment pour tout ce qui ressort des possibilités financières). 
 
L'une des voies dont je parlais plus haut pour éviter de trop récriminer contre son éditeur est évidemment l'investissement personnel, qui nous amène à nous battre, à ses côtés ou de notre côté, pour la promotion de l'ouvrage. L'action évite ainsi de trop cogiter, et si une vraie relation de confiance existe, le sentiment d'être un mouton qui attend qu'on vienne lui prendre sa laine n'aura aucune raison de venir hanter vos nuits.
 
Poussé à son paroxysme, cet investissement personnel peut se transformer, par exemple en cas de défaillance complète de l'éditeur, au final, en quelque chose de bien différent. Honnie par certains, acclamée par d'autres, je veux parler de l'autoédition. Il ne sera pas question ici de l'édition à compte d'auteur, déguisé ou non, mais bien de l'autoédition telle qu'ont pu la pratiquer, en leur temps, Denis Diderot et bien d'autres. Sans vouloir parer cette formule de toutes les vertus, il est difficile de ne pas reconnaître son côté dynamisant : les motifs de récrimination cités plus haut "sautent" tous d'un coup (à moins de vouloir se morigéner), et s'il peut malgré tout arriver de récriminer contre d'autres personnes (l'imprimeur, par exemple, ou les libraires s'ils ne paient pas les factures à temps), c'est de manière beaucoup plus dispersée. La charge de travail est évidemment considérable, ce qui a l'immense avantage, avec l'expérience, de pouvoir mieux comprendre quelle peut être la marge de manoeuvre d'un petit éditeur - pour les gros, mieux vaudra travailler en tant que comptable à leur service pour s'en faire une idée, ce qui n'est évidemment guère compatible avec l'autoédition.
 
Beaucoup ne voudront pas se priver du fantasme de "l'éditeur qui va me rendre célèbre". Les rêves, les utopies sont précieuses et nous font souvent avancer. A ceux-là, il restera donc à réussir, et à devenir un auteur d'un tel renom, dont les best-seller s'empileront avec un tel poids et une telle régularité qu'un seul froncement de sourcils envers son agent devrait lui suffire à faire sauter tous les motifs de récrimination avant même qu'ils n'émergent. C'est une autre voie pour éviter les deux écueils à la fois, mais pas la plus facile...

lundi 29 septembre 2014

[Archive 9/11/2012] Les DRM facultatifs chez Numilog

Après avoir appris l'existence d'un onglet "sans DRM" sur le site de ventes d'ebooks Numilog, j'ai contacté par l'entremise de Facebook et du site jepublie.com l'une des personnes en charge des relations avec les autoéditeurs pour obtenir plus de précisions. Il en ressort que les DRM sont bel et bien devenus facultatifs chez Numilog.
 
C'est une évolution très importante, qui montre, à l'instar de ce qui s'est passé aux Etats-Unis avec l'éditeur Tor (filiale de l'un des Big 6, Macmillan) que le non-DRM gagne du terrain. Et franchement, je m'en réjouis, car cela montre que certains parmi les milieux traditionnels de l'édition prennent en compte ce qui s'est passé avec la musique, et comprennent que ce n'est pas en entravant les lecteurs que l'on s'attire leurs faveurs. 
 
Il est encore suffisamment tôt, en France, pour développer cette politique anti-DRM qui, conjuguée à des prix abordables et à une éventuelle présence en bibliothèque (à condition que le prêt d'ebooks en bibliothèque soit tout de même plus contraignant que l'achat en ligne), devrait permettre d'éviter le piratage à tout-va.
 
A partir du moment où le piratage devient la norme, il ne faut pas s'étonner que les gens s'éduquent à l'idée fausse que le numérique doit être gratuit. 
 
Qu'une immense partie du numérique soit gratuite (ebooks libre de droits), je trouve cela formidable, que l'on puisse trouver sur des sites des documents ou des livres qui ne sont plus exploités par les éditeurs ou les auteurs est une excellente chose, mais désolé, tout travail mérite salaire, à mon sens. Ou alors, on instaure un revenu universel plus conséquent que le RSA. Nous n'en sommes pas encore là.
 
Pour en revenir à Numilog, en principe, plus rien ne s'oppose donc à ce que l'on y trouve mes ebooks. Sauf que. Sauf que Numilog fait toujours payer des forfaits (un auteur m'a parlé de 80 € pour un fichier epub) pour intégrer les fichiers ebooks à son site. Sauf que les revenus d'auteur n'y sont que de 50%.
 
Voici donc ce que j'ai répondu par e-mail en substance en guise de conclusion à nos échanges : Après mûre réflexion, j'ai décidé de ne pas travailler avec vous pour le moment : les redevances d'auteur sont inférieures chez Numilog à celles de grands concurrents comme Amazon, Apple ou Kobo, qui offrent 70%. Ces trois concurrents ne font payer aucun forfait sur les ebooks aux auteurs et éditeurs. La possibilité de télécharger des extraits existe aussi chez ces concurrents, et compense l'absence de la fonction particulière de feuilletage (qui existe pour les livres papier chez Amazon). Et enfin, le fait que Numilog ait développé des applications pour Android et Apple ne compense pas l'absence de liseuse dédiée liée exclusivement à Numilog comme Chapitre.com peut par exemple l'être à Sony, ou Cultura.fr à Bookeen.

Le changement par rapport aux DRM est une évolution positive que je salue, mais désolé, cela ne suffit pas en ce qui me concerne.
 
Des sites comme Amazon tiennent compte des retours de leurs développeurs ou partenaires, et je suis presque certain que Numilog sera réceptif à mes critiques et remarques. Je ne suis en la matière que le porte-parole d'une logique de marché et de compétitivité implacable. Cette même logique qui a si souvent joué contre les auteurs...

dimanche 28 septembre 2014

[Archive 21/04/2012] Le spectre des DRM

Dans la panoplie d'arguments cités par les détracteurs de l'ebook, l'on avance souvent les DRM (Digital Rights Management, verrous numériques). Et pour faire bien peur, on cite la possibilité pour Amazon d'effacer des lecteurs d'ebooks des livres déjà achetés, par le biais de ces DRM. Scandaleux, n'est-ce pas ? Or, on oublie une chose : Amazon donne la possibilité aux éditeurs de mettre ou non des DRM. Ils ont le choix.
 
A ma connaissance, l'un des rivaux d'Amazon, le Nook de Barnes & Noble, impose les DRM à tous les auteurs indépendants et éditeurs qui y mettent en ligne leurs ebooks. De même, la plate-forme de vente en ligne Numilog impose les DRM pour tous les ebooks qui y sont vendus. Et qui retrouve-t-on derrière Numilog ? Le groupe Hachette. [EDIT] : Numilog vient d'être rétrocédé à son fondateur, Denis Zwirn. La nouvelle date du 17 avril. Source : Cnet. Je m'en réjouis, et ce n'est pas trop tôt. Néanmoins, mon argumentaire reste valide, puisqu'on ne connait pas encore la politique que mettra en place Denis Zwirn.
 
Dans les romans policiers, les détectives recherchent toujours le mobile du crime. Qui a intérêt à imposer un contrôle maximal pour lutter contre le piratage ? Les éditeurs, bien sûr. Encore qu'il n'est pas sûr que leur véritable intérêt soit bien compris d'eux-mêmes, ni de leurs auteurs. Amazon a eu l'intelligence de permettre aux éditeurs, et aux auteurs indépendants, de ne pas mettre de DRM sur leurs ebooks. Je crois qu'il est important de le rappeler ici, étant donné certaines infos qui circulent, y compris sur des sites comme ActuaLitté. 
 
Le plus grand défaut du site d'Amazon vient à mon sens de l'absence d'indication "avec ou sans DRM", c'est pourquoi, pour mes propres ebooks vendus chez eux, j'ai fait le choix de mentionner dans la présentation qu'ils sont vendus sans DRM.
 
Attention aussi à ne pas faire l'amalgame entre DRM et format propriétaire. Amazon impose un format propriétaire : en conséquence, vos ebooks Kindle ne pourront être lus sur d'autres lecteurs d'ebooks que si vous vous servez d'un logiciel gratuit comme calibre pour les convertir au format epub, le plus universel. Les DRM empêchent la conversion en un autre format. Et vous ne pourrez rapatrier des epubs sur votre Kindle qu'en les convertissant en format prc mobi ou azw (formats amazon).
 
D'autres concurrents utilisent des systèmes propriétaires, comme Apple ou Barnes & Noble. Ces systèmes visent à fidéliser les lecteurs. C'est cette stratégie qui a d'ailleurs historiquement permis à Apple de survivre contre Microsoft et Windows. Dans le cadre des ebooks, je n'y suis pas favorable personnellement, puisque les formats propriétaires nuisent à la liberté des lecteurs.
 
Mais il faut être réaliste : toutes les personnes ne sauront ou ne voudront utiliser un logiciel comme calibre. Tout le monde n'aime pas "mettre les mains dans le cambouis". Tout le monde n'est pas geek. Si vous êtes un lecteur non geek, que vous recherchez la compatibilité et êtes prioritairement intéressés par les ebooks gratuits, j'aurais tendance à vous conseiller une liseuse numérique de type Bookeen, Sony ou Kobo.
 
Si vous êtes non geek et que vous cherchez à lire les dernières nouveautés de librairie, en français ou en anglais, je recommanderais le Kindle. Pas forcément à cause de l'appareil en lui-même, mais parce que l'écosystème du site d'Amazon est supérieur à tous les autres. Meilleure navigabilité, plus grand choix de livres, etc.
 
A ce sujet, cela tombe bien, les nouveaux Kindle Touch et Kindle 3G sortent aujourd'hui. Amazon a avancé sa date de sortie d'une semaine. A noter qu'il y a aussi des ebooks gratuits sur les sites marchands que sont Kobobooks et Amazon, entre autres.
 
Enfin, si vous êtes un geek, vous irez forcément vers les liseuses assurant le plus de compatibilité, donc les Bookeen, Sony, Kobo, ou autres capables de lire directement de l'epub. Quitte à récupérer ensuite des ebooks que vous ne pouvez trouver que sur Amazon pour les convertir sur votre liseuse grâce à Calibre.
 
Dernier conseil : lisez les extraits de livres avant d'acheter. Des sites comme Kobobooks et Amazon, contrairement au site de la Fnac.fr, donnent la possibilité de télécharger directement sur votre liseuse les extraits d'ebooks. Profitez-en pour tester les auteurs que vous ne connaissez pas. Le cas échéant, n'hésitez pas à vous rendre sur leur site personnel, pour savoir ce qu'ils font d'autre. Et si vous souhaitez vraiment encourager les auteurs indépendants, vous pouvez même acquérir leurs ebooks sur leur site !
 
Sur le mien, par exemple, vous trouverez les deux formats, Mobi et epub. ;)

samedi 27 septembre 2014

[Archive 23/10/2012] Dupliquez vos ebooks !

Etant données les possibilités d'achat à distance qu'offrent à présent les liseuses numériques connectées, étant donnés les services de "cloud computing" qui permettent de stocker des Gigas de données sur des serveurs dédiés, on pourrait aisément se demander à quoi sert l'espace de stockage de nos ordinateurs ou disques durs personnels. L'exemple de cette cliente norvégienne (Linn Jordet Nygaard) qui stockait tous ses ebooks sur son Kindle et qui s'est vu effacer son compte par Amazon pour un problème de règlement intérieur nous enseigne que nos disques dur et autres clés USB déconnectés sont encore, et pour un bon bout de temps, précieux.
 
Le Big brother du numérique va-t-il vous spolier de vos ebooks ? L'ogre capitaliste menace-t-il de régner en despote sur le contenu de vos liseuses numériques ? Sur Internet, il est facile de monter en épingle un fait isolé comme la déconvenue brutale dont a été victime Linn Jordet Nygaard.
 
Pourtant, si l'on y réfléchit deux secondes, on se rend compte que la prise de contrôle de données via les DRM (protections numériques) d'une liseuse connectée n'est que l'un des aspects du problème. Le fait de stocker tous ses ebooks au même endroit, dans sa liseuse, peut aussi entraîner le même type de désagrément, en cas de perte de l'appareil par exemple. 
 
Pour se débarrasser des DRM, on peut, comme l'indique le site Actualitté, faire appel à certaines ressources sur le net. Mais pour être sûr d'avoir son ebook en double, on peut décider de l'acheter systématiquement à partir de son ordinateur de bureau, pour ne le transférer que dans un deuxième temps dans son Kindle ou Kobo ou autre (pour Amazon, le dossier où l'on retrouve ses ebooks se nomme My Kindle content sur son ordinateur).
 
Ou bien, lorsqu'on recharge sa liseuse (en la branchant via un câble USB à son ordinateur), on peut en profiter pour copier tous les fichiers ebooks de sa liseuse dans le disque dur de l'ordinateur, en créant un dossier ebooks. On peut aussi dans un deuxième temps, précaution supplémentaire, transférer le tout dans une clé USB dédiée, ou sur un disque dur externe. Cela marchera à condition que ces fichiers ebooks n'embarquent pas de DRM.
 
D'où l'importance d'acheter des ebooks sans DRM. Amazon.fr est le site où l'on aura le plus de chance de les y trouver, car les auteurs indépendants y sont mis en avant en fonction de leurs ventes (système d'algorithme propre à Amazon). Il suffit de regarder le top 100 des ventes Kindle sur Amazon.fr pour s'en persuader. Or, les indépendants vendent le plus souvent sans DRM.
 
Sur les sites de la Fnac ou de Kobo, ce sont les ouvrages des grandes maison d'édition qui sont mis en avant. A de rares exceptions près, les maisons d'édition en question privilégient les ebooks avec DRM, que vous ne pourrez pas copier si facilement. Eh oui.
 
Je regrette toutefois qu'Amazon ne signale pas clairement sur son site les ebooks avec ou sans DRM. [EDIT 27/09/2014] : en fait, Amazon le signale: voir cet article] C'est pourquoi, comme le savent les fidèles de ce blog puisque c'est un sujet récurrent, je précise au début des présentations de mes ebooks qu'ils sont vendus sans DRM. Après, chacun fait comme il veut, mais je trouve cela plus clair pour tout le monde.

jeudi 25 septembre 2014

[Archive 21/09/2013] Comment repérer sur Amazon les ebooks "verrouillés"

Excellente nouvelle, il existe un moyen très simple de distinguer sur le Kindle Store d'Amazon (boutique Kindle) les ebooks  verrouillés des non verrouillés, c'est à dire dépourvus de DRM - les fameuses protections numériques qui en empêchent le transfert ou la conversion lorsque l'on change d'appareil. Mon conseil : privilégiez les ebooks sans DRM!

Je ne l'ai appris qu'hier, et bien sûr, je vous en fais part aussitôt, à vous, fidèles lecteurs de ce blog : sur la boutique Kindle d'Amazon, en dessous de la description des livres, dans le pavé Détails sur le produit, si vous voyez apparaître la mention : Utilisation simultanée de l'appareil : illimité , c'est que vous avez affaire à un ebook sans DRM, c'est à dire sans protection numérique.
Si vous ne voyez apparaître aucune mention Utilisation simultanée de l'appareil : illimité, c'est que c'est un ebook avec DRM, donc verrouillé. C'est ce type d'ebook qu'Amazon ou d'autres distributeurs comme Google ont le pouvoir de retirer de votre liseuse à volonté, si vous ne respectez pas certaines conditions comme... le passage de frontières ! Ne croyez pas que je fabule, cela s'est déjà produit


Il s'agit de la quatrième ligne en partant du haut

J'avoue que je n'ai pas résisté à l'envie de vérifier si certains de mes collègues auteurs et petites maisons d'édition publiaient avec ou sans DRM. Et on est parfois surpris...
Je peux en tout cas vous le garantir, mes ebooks sont sans DRM.

Juste au moment où j'apprenais cela, une nouvelle étonnante concernant les DRM m'est parvenue : la proposition de la députée d'Europe Ecologie Les Verts Isabelle Attard de taxer les ebooks avec DRM à 19,6% et non 5,5%.

En effet, un livre avec DRM ne serait plus un livre mais un service, d'après Isabelle Attard. Et cela paraît effectivement logique. Etonnant que personne n'y ait pensé avant elle.

Une excellente proposition à mon avis, et qui risque bien de déranger de gros poissons. Car qui, d'après vous, met en place les DRM?

Eh bien, deux types d'acteurs sont responsables :

- les distributeurs comme Amazon, Apple, Kobo ou Google, qui en permettent la mise en place au niveau des systèmes d'exploitation de leurs appareils

- les éditeurs : ils ont le choix ou non d'appliquer les DRM.

Je dirais que la responsabilité des DRM revient à 70% aux éditeurs et à 30% aux distributeurs. Parce que ce sont les éditeurs qui ont le dernier mot à ce sujet. Donc, dans l'hypothèse (à mon avis utopique, mais on peut rêver), où la proposition d'Isabelle Attard serait validée par les autorités en place, le paiement de la taxe devrait être réparti à 70/30 entre les deux. Ou bien à 50/50, si l'on veut couper la poire en deux pour ne pas s'aliéner irrévocablement les uns ou les autres.

Cela rendrait les ebooks avec DRM encore plus chers et impopulaires, mais nous permettrait peut-être à terme de bannir ces mauvaises herbes numériques. Qu'en pensez-vous?

mercredi 24 septembre 2014

[Archive 24/09/2013] La guerre des commentaires aux Etats-Unis

La guerre des commentaires frauduleux sur les sites de ventes continue à faire rage aux Etats-Unis. On le sait, ces commentaires frauduleux touchent de nombreuses variétés de sites sur Internet, et les autorités new-yorkaises commencent à sévir sérieusement à ce sujet. Ce qui m'intéresse ici bien sûr, c'est avant tout les commentaires de livres et ebooks sur Amazon. Avec, en toile de fond, les manoeuvres de l'édition traditionnelle pour discréditer l'autoédition.



Dans un récent développement, l'auteur Hugh Howey, dont l'ouvrage Wool a été commenté plus de 6200 fois sur le seul Amazon, a décidé de s'expliquer sur son blog. Hugh Howey est l'un des auteurs indépendants les plus emblématiques, l'un des rares à avoir obtenu de l'un des cinq grands éditeurs aux Etats-Unis de garder ses droits sur ses ebooks. Et surtout, il a expliqué comment il a mené ses négociations. Le but ? Permettre aux auteurs d'obtenir de meilleurs contrats. Pour cela bien évidemment, je le respecte et l'admire énormément.



Pourquoi, alors, Hugh Howey a-t-il fait le serment sur sa vie (et sur Jolie, sa chienne préférée décédée), de n'avoir jamais acheté un commentaire ? Tout simplement parce qu'on l'accuse de l'avoir fait. Et pas seulement lui, de très nombreux auteurs autoédités également.



Et c'est là que le bât blesse : le site Amazon Alert : your guide to unethical authors (Alerte Amazon : votre guide des auteurs immoraux), se présentant comme un collectif de citoyens en ayant assez des commentaires faussés, ne liste que des auteurs autoédités ou issus de l'autoédition, comme Amanda Hocking. Y est aussi cité Joe Konrath, l'un des porte-paroles les plus en vue (et en voix) de l'autoédition.



Je l'ai vérifié personnellement, pratiquement tous les auteurs incriminés qui semblent être publiés par une maison d'édition de cette liste sont en réalité autoédités.



Quelle est la crédibilité de ces accusations ? Eh bien, du moment que le site ne livre aucune preuve, on serait tenté de répondre aucune. Lorsqu'on parcourt la liste des auteurs incriminés sur Amazon, il faut reconnaître qu'ils ont tous de nombreux commentaires, mais du moment que ce sont des auteurs qui vendent bien, il est normal qu'ils en aient. Amazon Alert parle aussi du pourcentage de commentaires favorables à Hugh Howey, très élevé, mais cela reste à vérifier.



Amazon Alert cite néanmoins deux sources intéressantes, le site Fiverr et le site qui a fermé, http://www.GettingBookReviews.com. C'est sur ce dernier site que l'auteur autoédité John Locke a reconnu avoir acheté des commentaires payants. Amazon Alert aurait obtenu les noms des auteurs qui ont eu recours à ce site, ainsi qu'à Fiverr.



Je l'avoue, ce que j'attendais avec impatience en parcourant cette liste, c'était de découvrir des auteurs publiés par de grandes maisons d'édition, qui ne soient pas des porte-étendards de l'édition indépendante, ou autoédition.



Eh bien il n'y en a pas.



Est-ce que cela signifie que toutes les grandes maisons d'édition qui publient des auteurs célèbres sont pures et innocentes comme l'agneau qui vient de naître ? Là, j'ai comme un doute, vous voyez.



Souvenez-vous de mon article S'acheter une place sur la liste des best-sellers. L'auteur Soren Kaplan disait que les manoeuvres consistant à faire acheter son livre en masse par des sociétés tierce pour qu'il apparaisse dans les premiers rangs sur la liste des best-sellers était une pratique courante dans les grandes maisons d'édition. Il ne parlait pas de commentaires payés, mais à partir du moment où vous vous achetez des places, la frontière éthique avec le fait de s'acheter des commentaires me semble tout de même très perméable.  



C'est bien là le talon d'achille de la vente sur Internet : de la même manière que les athlètes se dopent, lorsque vous n'avez plus que du virtuel, l'un des rares leviers à votre disposition pour faire progresser les ventes, ce sont les commentaires. Cela ne justifie bien sûr en rien le fait d'acheter les commentaires, de même que le dopage est injustifiable d'un point de vue moral.



Comment pourraient réagir les auteurs indépendants américains face à cette campagne menée contre eux ? Eh bien, en enquêtant à leur tour sur les pratiques moralement condamnables des grandes maisons d'édition, et en les dénonçant au grand jour. Le problème étant bien sûr que beaucoup d'auteurs, y compris autoédités, marchent sur des oeufs : ils ne veulent pas être blacklistés par les maisons d'édition traditionnelles dans l'espoir de vendre des livres papier, et ils ne souhaitent pas non plus que les fans d'auteurs publiés par des maisons d'édition traditionnelles et qui seraient mis en cause s'en prennent à eux à l'aide de "campagnes de commentaires 1 étoile" sur Amazon ou sur GoodReads.



Et il faut savoir que sur le site de lecture GoodReads (racheté par Amazon), justement, le règlement vient de changer et les commentaires axés sur le comportement des auteurs sont désormais supprimés. Et ce, pour tenter de limiter les commentaires qui ne soient pas axés sur les livres. Cela n'est pas arrivé comme ça, mais bien suite à de nombreuses campagnes de dénigrement et de lynchage online. Oui, la guerre fait rage aux Etats-Unis.



Je suis bien sûr contre le fait de payer des commentaires ou des ventes. On peut imaginer, comme Hugh Howey le fait sur son blog, que quelqu'un en voulant à un auteur autoédité à succès lui achète des commentaires (y compris des commentaires disant du bien de son livre) pour le décrédébiliser. Quel serait le moyen de se défendre, si l'auteur a déjà par lui-même obtenu plus d'une centaine de commentaires ?



Ces guerres qui sont menées ont pour but primaire ou secondaire de décrédibiliser la vente sur Internet, et en particulier sur Amazon. Au profit d'éditeurs qui maîtrisent le réseau de distribution physique des livres.



Il est très très difficile de se défendre lorsqu'on est accusé d'avoir acheté des commentaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles le système de commentaires d'Amazon me semble être mis en péril par ce qui est en train de se passer.



A l'avenir, lorsqu'on vous dira que tel ou tel auteur a triché, méfiez-vous, regardez les pratiques de la concurrence, et surtout, lisez au moins les extraits de livre pour vous faire votre propre opinion. Ce sont les livres qui doivent parler pour les auteurs, pas les campagnes de dénigrement infondées sur le net.

lundi 22 septembre 2014

[Archive 4 août 2013] La bourde cosmique d'Amazon.fr

Que cela soit clair, je me range plutôt parmi les admirateurs d'Amazon que de ses détracteurs. Mais il m'est impossible, en tant qu'auteur indépendant, de faire deux poids deux mesures, et d'un côté de dénoncer le fait, pour de grandes maisons d'édition, de s'acheter une place sur la liste des best-sellers, pour ensuite taire le fait que des auteurs auto-édités agissent de même grâce à un nouveau service. Surtout quand Amazon.fr semble cautionner cela. Et même si, comme le spécifie l'article d'ActuaLitté, le service en question est aussi bien utilisé par certains éditeurs que par des auteurs indépendants.

Quelle est donc cette bourde si énorme commise par Amazon.fr, qui puisse laisser penser qu'Amazon cautionne le recours pour des auteurs et éditeurs à une entreprise tierce afin de générer artificiellement des ventes sur sa plate-forme Kindle, permettant à des auteurs d'entrer dans le top 20 si convoité? Eh bien tout simplement d'avoir permis à l'auteur du mois de la lettre d'information Kindle, une newsletter qui touche tous les auteurs et éditeurs indépendants publiés sur le Kindle Store, de mentionner ledit service.

Résumons donc : en payant 178 euros, l'auteur fait appel à une société qui profite d'une faille d'Amazon, et fait appel à un "club de lecteurs" pour acheter à environ une centaine d'exemplaires en quelques heures votre ebook.

L'auteur de la newsletter, bien que ses ebooks n'aient pas été lus, profite de ces achats simultanés pour entrer dans le top 20.

Amazon.fr récompense l'auteur dont les ebooks vendus, en très grande majorité, n'ont pas été lus au moment de son entrée dans le top 20, en lui permettant de parler dans sa newsletter, et de toucher en grande majorité d'autres auteurs et éditeurs.

Dans un élan sincère de générosité (et il n'y a pas d'ironie de ma part ici), afin de faire profiter les autres d'un "bon plan", l'auteur parle de ce service qui lui a permis d'accéder au top 20 sans être lue.

Vous commencez à saisir ? Amazon.fr, en laissant passer l'info, ne se tire pas une balle dans le pied. Elle se l'explose avec une grenade.

Un top 20 est censé récompenser les meilleurs livres ou en tout cas les plus populaires, pas être une tête de gondole virtuelle comme celles que, dans le monde réel, les gros éditeurs louent en librairie pour donner plus de visibilité à leurs ouvrages.

En faisant indirectement, et sans doute involontairement, la promotion d'un système basé sur l'achat massif d'ebooks en un temps donné, Amazon.fr nuit à son image et décrédibilise la valeur d'une partie des ebooks du top 20.

Ceux qui payent les pots cassés sont les auteurs autoédités et éditeurs qui ont joué le jeu et sont parvenus à entrer dans le top 20 en se faisant graduellement connaître pour la qualité de leur travail. Par effet d'assimilation, eux aussi passent pour des traders faisant de la spéculation, ou des magouilleurs.

Car il ne faut pas mettre les autoédités dans un même sac, la grande majorité cherche loyalement à augmenter son lectorat. Mes propres ebooks, par exemple, ne sont jamais rentrés dans le top 100. Je ne veux pas d'une victoire remportée grâce à un tour de passe-passe. Si l'argent avait été mon seul objectif, j'aurais pu vendre de la bière ou n'importe quoi d'autre.

Que des gros éditeurs truquent les cartes ne saurait être un argument pour en faire autant.

Il y a deux mois, l'un des lecteurs appartenant au "club de lecture" est venu mettre une publicité concernant le "service" que je dénonce ici, dans les commentaires de ce blog.

Voici ce que je lui répondais alors : Ce que propose [ce service] équivaut à s'acheter des ventes, ce qui selon moi s'apparente à de la fraude. Je dénonçais déjà ce type de système avec les éditeurs traditionnels, je ne vais pas le préconiser pour des auteurs indépendants. C'est tromper le lecteur.

Voir cet article : http://emmanuelguillot.over-blog.com/article-s-acheter-une-place-sur-la-liste-des-best-sellers-115636300.html


Un système que je pourrais accepter, en revanche, serait des newsletters envoyées à des lecteurs qui se seraient volontairement abonnés, une par genre de prédilection, avec des livres d'auteurs indépendants dans la newsletter, livres critiqués par l'équipe de la newsletter sous réserve d'acceptation des candidatures des auteurs.

Et là, effectivement, on pourrait envisager un paiement par les auteurs de ce service, du moment que leur candidature aurait été avalisée. A condition bien sûr de s'adresser à un nombre de lecteurs suffisant dans ces newsletters.

Et puis :

même en admettant que ce ne soit pas une arnaque pour les auteurs, c'en est une pour les lecteurs, qui achètent des ebooks en se fiant à un classement artificiellement boosté. Cela tend à dénaturer le système mis en place par Amazon.

Le plus gros reproche que j'ai à faire à ce service est qu'il trompe le lecteur et ne cherche qu'à faire vendre, sans aucune appréciation qualitative.

A l'inverse, un service comme Babelio aurait tendance à s'adresser aux lecteurs, avec de vraies critiques selon leurs goûts. Sauf que le système de Masse Critique, où des livres sont envoyés à des lecteurs en échange de critiques, ne s'adresse qu'à des éditeurs. En outre, on peut toujours se poser la question de l'impartialité de commentaires de lecteurs qui ont reçu gratuitement des livres.

Le défi pour les auteurs indépendants consiste à informer les lecteurs consentants sans les spammer. En ce qui me concerne, je les invite pour cela à s'inscrire à ma newsletter, mais je n'utilise pas de bots inscrivant automatiquement comme cela se fait de plus en plus.

Aux Etats-Unis, il existe un site appelé Bookbub : il s'adresse vraiment aux lecteurs en leur envoyant une newsletter selon leur goût. C'est aux lecteurs de s'inscrire sur le site, c'est une démarche volontaire de leur part.

L'auteur va envoyer son ebook au service Bookbub, qui va l'évaluer. En cas d'avis positif, qui est loin d'être automatique, l'auteur va pouvoir débourser 400 dollars pour toucher les lecteurs abonnés à cette newsletter, à condition de mettre son ebook gratuit ou à 0,99 $ au moment où Bookbub va en parler.

Il y a évidemment une forme de manipulation là-dedans, mais cela me semble beaucoup plus correct comme service, puisqu'il y a d'une part un filtre préalable des ebooks, et d'autre part une volonté réelle de lecteurs de lire ces ebooks sélectionnés selon leur genre de prédilection.

Pour conclure, je dirais que je ne m'estime pas meilleur qu'un autre. Dans la volonté d'accroître son lectorat, son influence et son prestige, tout n'est pas blanc pour un auteur. Mais nous avons tout de même un point de repère, et c'est le respect du lecteur. Le service dont Amazon.fr a fait indirectement la promotion est selon moi à cet égard, et dans son état actuel, une duperie.

Je pense qu'il ne faut pas se cacher la tête dans le sable, mais évoquer tout cela pour faire avancer les choses en positif. Et je crois avoir essayé de le faire de manière constructive dans cet article.

[EDIT 09/09/2013] : MyKindex aurait cessé son activité depuis peu. Voir à ce sujet le blog de Romain Godest.

vendredi 19 septembre 2014

[Archive 24/02/2013] S'acheter une place sur la liste des best-sellers

S'il y a une chose dont on peut être sûr, c'est que l'amour ne s'achète pas. Pour le succès et la gloire, il semble bien qu'il en aille autrement. Dans le milieu de la grande édition notamment, l'auteur Soren Kaplan décrit dans un billet ravageur comment il a acheté pour son ouvrage Leapfrogging une place dans la liste des best-sellers du New-York Times. Pour cela, il a utilisé les services d'une société, Resultsource, habituée à travailler pour les grands groupes d'édition, selon ses dires. 
 
C'est un énorme éléphant malodorant de dix mille livres dans la salle de conférence que chacun s'applique de son mieux à ignorer, selon les propres termes de Soren Kaplan. En d'autres termes, tout le monde le sait dans le mileu de l'édition. En y mettant suffisamment d'argent, un auteur esseulé (cela a été le cas pour Soren Kaplan) ou une entreprise d'édition peut payer une société comme Resultsource pour que le livre soit acheté et apparaisse dans la liste des best-sellers du New York Times et du Wall Street Journal.
 
Il suffirait d'après Kaplan que le livre soit acheté 3000 fois dans une courte période pour apparaître dans la liste du Wall Street Journal, et 11000 fois (dans les points de vente et librairies appropriés) dans la même période pour que le livre apparaisse dans la liste des best-sellers du New-York Times.
 
L'intérêt ? Aux Etats-Unis, apparaître dans ces listes est un véritable tremplin pour la carrière de n'importe quel auteur. Il peut alors inscrire sur la couverture de son prochain livre la mention "New-York Times bestseller".
 
Cela ne signifie pas pour autant que le bouche-à-oreille ou les goûts du public n'ont aucune incidence, ou qu'un livre vraiment mauvais puisse rester très longtemps dans ces fameuses listes. Mais vous êtes vous déjà demandé pourquoi un livre qui vous paraissait médiocre devenait best-seller ? Vous avez la réponse.
 
On savait déjà, depuis l'affaire John Locke aux Etats-Unis, qu'un auteur pouvait payer pour bénéficier de commentaires sur Amazon.
 
On savait déjà que les grandes maisons d'édition payaient pour que les livres de leurs auteurs les plus vendeurs figurent en évidence, face avant sur les meilleurs tables des libraires.
 
On savait déjà qu'environ un tiers des livres sortis en librairie étaient écrits par des nègres littéraires, ou ghostwriters, rémunérés par les grandes maisons d'édition.
 
On savait déjà, pour la France, qu'il existe des arrangements entre maisons d'édition sur la désignation des prix littéraires (qui sont notre équivalent des listes de best-sellers du New-York Times).
 
On savait déjà que des grandes maisons d'édition comme Penguin n'hésitaient pas à racheter une entreprise comme Author's Solution, entreprise d'édition à compte d'auteur notoirement reconnue pour tirer parti de la naïveté d'auteurs.
 
On savait déjà qu'il existait une forme de loi de silence dans le milieu de l'édition, loi qui permet de faire en sorte d'éviter que la plupart des faits ci-dessus exposés ne soient connus du grand public.
 
On se doute aussi qu'il existe des listes noires afin de faire en sorte que certains auteurs trop critiques envers le milieu de l'édition ne puissent être publiés par de grands éditeurs.
 
On sait donc à présent jusqu'où peut aller l'emploi du mot "business" quand il est accolé à celui d'"édition".
 
Il ne s'agit pas ici de dire que tous les éditeurs sont pourris et les auteurs (notamment autoédités) de blanche colombes. John Locke est par exemple un auteur autoédité. Il ne s'agit pas non plus de dire que les règles du jeu sont systématiquement truquées et que ça ne vaut pas le coup d'essayer de faire son trou. Elles le sont en grande partie, oui. Et elles le resteront.
 
Le but de ce type d'article est d'éveiller la conscience du public. Eh oui, je ne pense pas que ce genre d'affaire fera la une du 20H. Heureusement, Internet est en train de devenir un média puissant.
 
Si cela peut permettre de faire un peu moins confiance aux listes des bestsellers et un peu plus au jugement propre de chacun, je crois que l'on s'en portera mieux. Pas vous ?
 
[Edit 07/03/2013 : à lire aussi pour les anglophones, l'article du Wall Street Journal sur le sujet.]

jeudi 18 septembre 2014

[Archive 23/07/2014] L'offre incroyable d'Amazon aux éditeurs

Imaginez, vous êtes auteur autoédité aux Etats-Unis, et Amazon vous approche avec cette offre: plutôt que de vous donner 70% du prix de votre ebook, ils vous en donnent 100%, même si vous fixez le prix de l'ebook entre 10 et 20$. Votre ebook fera partie d'un groupe de titres vendus dans le cadre du programme Kindle Unlimited: pour 9,99$ par mois, les lecteurs inscrits dans ce programme peuvent télécharger un nombre illimité d'ebooks. Il suffit que chaque lecteur lise 10% de votre livre ou plus pour que vous touchiez 100% de la somme que vous avez fixée (même si l'ebook est à 15 $). Vous refuseriez, vous? Eh bien c'est ce que les éditeurs américains ont fait. Ils ont refusé, pour protéger les prix élevés des ebooks. Alors même que pour ce qui les concerne, ils n'avaient pas à vendre exclusivement leurs ebooks sur Amazon dans le cadre de cette offre (ils pouvaient continuer à vendre sur Kobo, Apple, Google et les autres plates-formes).


On ne prête qu'aux riches, comme Amazon vient de le démontrer de manière éclatante avec cette offre aux éditeurs, mais aussi à certains auteurs bestsellers autoédités comme Hugh Howey (offre limitée à un mois pour ce qui concerne ces auteurs autoédités). En effet, Kindle Unlimited est aussi proposé aux autres auteurs autoédités, non bestsellers, mais en ce qui les concerne, ils ne peuvent en bénéficier qu'à la condition de vendre les ebooks concernés de manière exclusive sur Amazon. Et pour leur part, on ne leur offre pas 100% du prix de leur ebook, mais environ 2$ par ebook!


Vous ne me croyez pas? Lisez donc l'article d'Hugh Howey concernant Kindle Unlimited.


Comme le dit très bien Hugh Howey dans son article, ce système, qui rappelle les systèmes de streaming d'ebook Oyster et Scribd, ou, pour la vidéo, Netflix (qui débarque en France en décembre, je crois), ne saurait être rentable pour Amazon. C'est une carotte pour donner envie à plus de gens de se mettre à l'ebook, et en cela, Amazon joue son rôle d'acteur innovant sur la technologie, mais aussi d'acteur contribuant à démocratiser le prix des ebooks (même si, en l'occurrence, on pourrait arguer qu'il est plutôt le suiveur d'Oyster et Scribd).


J'avais lu quelque part que dans les grandes corporations, votre main droite ne savait pas toujours ce que faisait votre main gauche, et c'est un peu cette impression que me fait Amazon en ce moment, celui d'une société schizophrène. Petit rappel tout de même: nous sommes en pleine guerre commerciale entre Amazon et Hachette. D'un côté, Amazon fait une offre mirobolante aux éditeurs, de l'autre, la société de Jeff Bezos se bat pour obtenir de meilleures marges.


Vous avez peut-être le sentiment, si vous lisez les médias, qu'Amazon essaie de mettre à genoux Hachette, ou bien que les propositions d'Amazon équivaudraient, si Hachette les acceptait, à un suicide commercial.


En tant qu'auteur autoédité, j'ai une vision très différente : les gros éditeurs ont depuis toujours la possibilité d'avoir leurs ebooks dans la bibliothèque de prêt d'Amazon, ou de faire des promotions, y compris gratuites, sans condition d'exclusivité. Alors que les auteurs indépendants, auteurs qui ne sont pas, comme le dit si bien Hugh Howey sur son blog, de deuxième zone mais de troisième zone pour Amazon, se trouvent, à l'exception de quelques best-sellers, soumis à ces conditions d'exclusivité. Les auteurs indépendants ne bénéficient pas de boutons de pré-commandes, l'un des sujets de dispute entre Amazon et Hachette (les précommandes sont en revanche possibles pour les auteurs indépendants sur Apple ou Kobo).


Etant donné l'argent qu'Amazon est prêt à offrir aux gros éditeurs dans le cadre de cette offre Kindle Unlimited, il paraît raisonnable de penser que ces mêmes éditeurs ont des leviers de négociation très importants à l'heure actuelle, et ne sont en rien des agneaux menés à l'abattoir comme on pourrait le croire en lisant les médias officiels s'intéressant au sujet.


Si vous examinez le dernier rapport author earnings, qui porte sur les 120,000 ebooks qui se vendent le mieux, un chiffre non négligeable il me semble, vous verrez que les cinq plus gros éditeurs auxquels il faut ajouter les petits ou moyens éditeurs représentent encore à l'heure actuelle 75% du chiffre de vente en gros sur Amazon (Daily Gross $ Sales of Amazon bestsellers). Les autoédités ne représentent encore que 17% de ce même chiffre.


Alors, certes, si l'on prend, non pas les revenus des éditeurs, mais ceux des auteurs, qui sont une chose bien différente, puisque les éditeurs aspirent pour eux-même une très large part des revenus totaux, nous sommes, comme constaté à la fin de l'article author earnings, à environ 40% des revenus totaux versés aux auteurs qui reviennent aux auteurs autoédités. Ce qui signifie bien sûr que l'avenir est aux auteurs autoédités... mais aussi le présent, puisque les chances de gagner au moins un modeste pécule, voire plus, sont considérablement plus élevées en s'autoéditant.


Il est légitime de penser que si les éditeurs n'étaient pas à ce point privilégiés par Amazon, les auteurs autoédités obtiendraient bien plus que les simples 17% des sommes totales versées par Amazon dans le cadre de la vente d'ebooks. C'est d'ailleurs justement cela qui fait peur aux éditeurs, et c'est pourquoi je pense que Jeff Bezos n'aurait pas souhaité voir révélés les chiffres d'author earnings.


Pour terminer en ce qui concerne Kindle Unlimited, je vais l'essayer pour mon ebook A brief story of Ardalia, qui n'est qu'une nouvelle, ayant pour pratique de ne pas mettre de roman complet en exclusivité sur Amazon. L'expérimentation fait partie de notre lot, à nous autres auteurs autoédités, et nous avons tout intérêt à tendre du côté de l'innovation, même si elle a parfois un goût amer.

mercredi 17 septembre 2014

Ardalia: The Breath of Aoles: The new cover redesigned!

Being noticed is very hard for a newbie like me, and though I'm grateful that the Goodreads giveaway of The Breath of Aoles has in a single day stirred the interest of more than 90 people, a good cover is also an essential component. Even with very favourable reviews, my book didn't make it for the moment to a major advertising site like Bookbub, so it is up to me to up my game!

There are great people on Goodreads, who may recognize themselves if they read this, whom I asked whether they preferred the ancient or the new cover of Ardalia: The Breath of Aoles, and to an overwhelming majority, they preferred the new one.

So why change?

Because I felt I hadn't fully exploited the new cover's potential. Then Chris, from the Awesome Indies website, told me about Rose, from Velvet Wings Design. He said she would be able to tweak the cover of my book for a modest fee. As I liked her work on her website, I contacted her.

And now... here's the result:


If you are interested in the ebook, there's a promo through September 25, on AmazonBarnes & Noble , Kobo , Apple. 

The new cover before it was redisigned: 


The first cover: 



I think that Rose did an excellent job, and I hope you like it too, for it will be from now on the official ebook cover.

mardi 16 septembre 2014

Ardalia: The Breath of Aoles: A New Giveaway

Starting today (September, 16) and ending on October, 17, I have launched a new giveaway for Ardalia's first book, The Breath of Aoles in the US, Canada, the UK, Australia and South Africa. In addition to this giveaway, the ebook, usually priced at $5.99, is at $0.99 only through September, 25. It has obtained 13 reviews so far on Amazon.com, with an average of 4.2 stars.




Goodreads Book Giveaway

The Breath of Aoles by Alan Spade

The Breath of Aoles

by Alan Spade

Giveaway ends October 17, 2014.
See the giveaway details at Goodreads.
Enter to win
Pelmen hates being a tanner, but that’s all he would ever be, thanks to the rigid caste system amongst his people, the hevelens. Then he meets Master Galn Boisencroix and his family. The master carpenter opens up the world of archery to young Pelmen, who excels at his newfound skill. But Pelmen’s intractable father would have none of it, and tries to force Pelmen to stay in the tannery.

One day, however, Pelmen’s best friend and Master Galn's son, Teleg, disappears. Lured away by the prospect of untold riches through mining amberrock, the most precious substance in the world, Teleg finds himself a prisoner of the Nylevs, fierce fire-wielding worshippers of the god of destruction.

Now Pelmen must leave all he knows behind, overcome his fears and travel across the land, in search of his childhood friend. Along the way, he will ally himself with strange and fantastic beings: a shaman who controls the Breath of Aoles, or the power of the wind, a krongos, a creature of the mineral realm who can become living rock, and a malian, adept at water magic.




Amazon   Barnes & Noble   Kobo   Apple

lundi 15 septembre 2014

[Archive 3/06/2012] Une réponse à Hadrien Gardeur

Le billet d'Hadrien Gardeur sur le site Bibliobs intitulé "Numérique ou non, le livre ne doit pas être un produit d'appel", n'a pas été une surprise pour moi. Selon Hadrien Gardeur, la décision du Department of justice américain (Doj) de sanctionner la collusion d'éditeurs américains avec Apple sur les prix des ebooks "défie le bon sens". J'ai déjà expliqué dans mes billets "pour en savoir plus sur la plainte contre Apple et les éditeurs", et "Quand le site Actualitté s'en prend à Amazon" ce que je pensais sur le sujet, je vais donc essayer de ne pas me répéter.

Si le billet d'Hadrien Gardeur n'a pas été une surprise, c'est que le site Feedbooks, dont il est co-fondateur, ne permet aux auteurs autoédités comme moi que d'y mettre leurs oeuvres en téléchargement gratuit. Seuls les éditeurs traditionnels peuvent y mettre les oeuvres de leurs auteurs en téléchargement payant. De par cette politique, de par aussi son discours dans sa tribune de Bibliobs, Hadrien Gardeur défend une forme de statu quo. Je rappelle tout de même que non seulement Amazon, mais aussi Kobo et la Fnac, permettent à des auteurs autoédités de vendre leurs ebooks sur leurs sites respectifs.

Afin d'attirer des clients dans son écosystème, Amazon vendait systématiquement à perte les titres les plus recherchés. Ainsi, une nouveauté dont l'édition papier se vendait 28$, était vendue à 9.99$, Amazon perdant sciemment plus de 10$ par titre vendu.

Vrai. Amazon était contraint de faire des ristournes à perte pour les nouveautés d'auteurs bestsellers, afin d'attirer les gens sur le Kindle. Sans cela, les ebooks n'auraient pas décollé aux Etats-Unis, en tout cas pas si vite. Les grandes maisons d'édition ont des frais, c'est vrai. Mais dans le cas d'auteurs bestsellers, les frais sont déjà intégrés dans l'économie du livre papier. La conversion en ebook ne représente qu'une modique somme, Hadrien Gardeur est bien placé pour le savoir.

Dans le monde papier, ces prix fracassés ont permis à Amazon d'anéantir ses concurrents de façon systématique. Aujourd’hui, depuis la fermeture de Borders en 2011, il ne reste plus qu'une seule chaîne indépendante spécialisée dans la vente de livres aux USA; Barnes & Noble. Précisons que sa situation financière est catastrophique.

"Prix fracassés" : notez bien le vocabulaire. Où est la justification pour des ebooks d'être plus cher que des livres de poche ? Où est la justification de sortir les livres de poche un an après les livres grand format, si ce n'est de prendre les lecteurs pour des vaches à lait ? Je sais bien que cela coûte cher, d'entretenir des immeubles à Saint-Germain des Prés, dans le VIème arrondissement de Paris. Mais la société et les auteurs doivent-ils vraiment être prêts à tous les sacrifices pour cela ?

Concernant Borders, la chaîne était déjà en très grande difficulté dès 2009, avant l'explosion de l'ebook aux Etats-Unis. De nouvelles librairies indépendantes ont pu naître et prospérer en lieu et place de Borders. Le livre papier et l'ebook ne sont pas incompatibles.

Il serait faux, cependant, de dire que l'ebook ne concurrence pas les librairies. Quand les caractères imprimés ont pris leur essor en Europe, les moines copistes ont dû se sentir menacés, eux aussi. Beaucoup se sont retrouvés à la rue. Mais en contrepartie, il a été plus facile d'enseigner la lecture et l'écriture au plus grand nombre.

Plus récemment, quand Internet a fortement concurrencé les magazines, et notamment les magazines de critique de jeux vidéo, j'ai à titre personnel perdu mon emploi. Pour autant, je ne suis pas allé faire du lobbying pour que les fournisseurs d'accès à Internet augmentent leurs tarifs, afin de dissuader les gens d'aller lire les articles concurrents sur le net. Pourquoi ? Parce qu'Internet, malgré son côté destructeur d'emploi, apporte la connaissance au plus grand nombre.

Le livre numérique permet à Amazon de mettre en place une stratégie encore plus agressive. En vendant de nombreux livres dans un format propriétaire, bloqué pour ne fonctionner que dans son écosystème, il rend l’acheteur totalement captif.
Cette combinaison du bâton (captivité) et de la carotte (vente à perte) assure à terme une situation de monopole dans laquelle Amazon pourrait alors dicter toutes les règles du jeu.

Je ne suis pas très favorable au format propriétaire. Néanmoins, il me faut bien reconnaître que dans le cas d'Apple, si ce géant américain n'avait pas poursuivi cette politique de format propriétaire pour son système d'exploitation, il aurait comme la plupart des concurrents de Microsoft disparu. A partir du moment où le format .azw ou mobi est légalement convertible en epub, ce n'est pas tant ce format qui rend les lecteurs captifs que les DRM. Or, sur Amazon, les éditeurs ont le choix d'appliquer ou non des DRM. Amazon se bat donc avec une arme qui a été utilisée par d'autres. Dans le monde du numérique, des géants peuvent très rapidement disparaître, s'ils ne font pas attention.

Concernant la vente à perte, celle-ci a été interdite par l'agrément du Doj avec les éditeurs qui ont accepté celui-ci (dont Hachette). Quant à la situation de monopole, elle aura d'autant moins de chance de survenir que des concurrents compétitifs apparaîtront.

Inquiets face à cette situation, les éditeurs américains ont profité de l'arrivée d'Apple sur le marché pour changer les règles du jeu, basculant sur un modèle où un même prix s'appliquerait à l'ensemble des revendeurs, permettant de conserver une diversité de canaux de distribution et donc davantage de compétitivité dans ce marché.

La compétition doit se faire au niveau de l'accessibilité, de la visibilité et du choix des oeuvres, et non de la fixation illégale de prix abusifs par entente mutuelle. Les concurrents d'Amazon doivent créer des sites compétitifs.

Une récente décision du Department of Justice (DoJ) remet cependant ce modèle en cause. Accusant les éditeurs d'entente illicite sur les prix, le DoJ s'apprête à imposer la fin de ce modèle auprès de cinq des plus grands éditeurs américains, créant ainsi toutes les conditions pour que Amazon reprenne son rôle de prédateur dominant.
Cette décision défiant le bon sens est le signe avant-coureur d'une tendance lourde que l'édition va devoir combattre: pour ces acteurs, le livre n'est qu'un produit d'appel. Pour Apple ce n'est qu'un moyen de vendre des tablettes, pour Google nos lectures sont un moyen comme un autre d'en savoir toujours plus sur nous et nos comportements de consommateur afin de nous inonder de publicités ciblées. Ces préoccupations sont bien éloignées des attentes des lecteurs comme des éditeurs, et si les autorités laissent le marché entièrement entre leurs mains, tout le monde sera rapidement perdant.

Le livre est un produit d'appel ? Dans ce cas, la musique est aussi un produit d'appel pour les lecteurs MP3. Et les films, pour tous les supports numériques qui en permettent la lecture. Je suis persuadé qu'Amazon fait le plus de bénéfice sur le contenu, et non sur la vente de Kindle. Amazon autorise la diversité de contenu et l'accessibilité de contenu, et permet à des auteurs indépendants comme moi d'être nettement plus visibles qu'ils ne l'étaient dans l'ancien système.  

Pour ce qui est de la publicité, celle-ci existe aussi avec Internet. Cela n'empêche pas les internautes d'avoir accès au contenu. Certains sites ou blogs, comme le mien [pas l'ancien, le nouveau], sont dépourvus de publicité. De même, si les acheteurs de lecteurs d'ebooks ne veulent pas de publicité, ils n'en auront pas. Si Amazon devait contrarier ses clients, il les perdrait rapidement. Dans le monde du numérique, les géants ont les pieds d'argile. Ils peuvent très rapidement vaciller. Inutile, donc, d'agiter l'épouvantail de la publicité.

Fixer le prix du livre numérique n'est pas suffisant en soit, mais c'est une condition préalable à un véritable marché. Un prix unique sur le livre numérique pourrait être perçu comme une opportunité par les éditeurs de ralentir l'adoption de la lecture numérique. Au lieu de cela, il doit absolument devenir un outil leur permettant de mieux comprendre le marché, que ce soit via des politiques de prix ciblés dynamisant leurs ventes, ou en lançant de nouvelles collections adaptées aux attentes des lecteurs numériques.

Fixer le prix du livre numérique retarde l'adoption de l'ebook en rendant plus faciles et efficaces les ententes illicites entre grands éditeurs. Ce n'est pas avec des formules comme "il doit absolument devenir un outil leur permettant de mieux comprendre le marché" que l'on va faire avancer les choses. Maintenant que les concurrents d'Amazon existent et que le risque d'un monopole est écarté, les prix des ebooks doivent baisser afin que les lecteurs soient plus nombreux à adopter le livre numérique.  

Quant aux libraires, dans un monde où les catalogues n'ont plus de limites, leur rôle sera plus que jamais nécessaire pour guider le lecteur dans ses choix. Mais être libraire numérique, c'est aussi repenser la médiation et la manière dont le lecteur navigue dans un catalogue, et c'est seulement en mettant son expérience au service de nouvelles expériences que la librairie trouvera sa place. Plutôt que d'un portail de la librairie, c'est de standards, et d'outils  leur permettant de se différencier dont les indépendants ont besoin.
Créons ensemble les conditions favorisant la diversité des acteurs et des expériences, le livre mérite mieux que d'être un simple produit d'appel.

D'accord avec les grands principes édictés par Hadrien Gardeur. Je peux comprendre que le livre soit une oeuvre artistique et non un produit. Seulement, il faudrait aussi le dire aux éditeurs qui ont vendu 437,8 millions d'exemplaires papier hors fascicules en France en 2009 (chiffres du Centre National du Livre). Ce qui signifie sans doute au moins 400 millions de livres pilonnés, c'est à dire détruits, puisque l'on estime qu'il faut un livre pilonné pour un livre vendu dans le système actuel. Le livre n'est pas un produit d'appel si nous ne sommes pas dans une industrie du livre. Le livre, en France, est une industrie. 

Je rappelle aussi qu'il y a une centaine d'auteurs de fiction qui arrivent à vivre de leur plume en France. Pour plus de 400 millions de livres vendus en 2009. Il n'y aurait pas un problème ? Le livre numérique peut permettre à davantage d'auteurs de vivre et de prospérer. C'est déjà le cas aux Etats-Unis. Il serait peut-être temps de récompenser les créateurs.


Par ailleurs, si Hadrien Gardeur souhaite comme il le dit favoriser la diversité des acteurs et des expériences, pourquoi ne pas permettre aux auteurs autoédités de vendre sur Feedbooks ? 

Enfin, si Bibliobs souhaite publier ma réponse sur son site dans les mêmes conditions de visibilité que le billet d'Hadrien Gardeur, ses lecteurs l'en remercieront peut-être. En général, les lecteurs ont tout intérêt à examiner les points de vue divergents, afin de se forger une opinion. C'est aussi cela, le travail de journaliste.

vendredi 12 septembre 2014

[Archive 16/05/2012] Pour en savoir plus sur la plainte contre Apple et les éditeurs

Un article très synthétique sur l'affaire de collusion sur les prix des ebooks entre Apple et les éditeurs m'a été signalé sur le site Macgeneration. Cet article, contrairement à ceux d'ActuaLitté, reste factuel et ne prend pas parti. Néanmoins, il suffit de le lire pour ne plus guère avoir de doute sur la collusion en question.

Voici les réflexions que j'en tire :

- Historiquement, cette collusion autour de l'accord d'agence est favorable au développement de l'ebook, car elle a contraint tous les grands éditeurs à s'y mettre. Néanmoins, on voit bien de quel côté est l'avidité : les éditeurs gagnent énormément sur la vente d'ebooks.
- Comme le dit Steve Jobs, cet accord aura contribué, très certainement, à un bien meilleur dynamisme des concurrents d'Amazon comme Barnes & Noble avec son Nook, et comme Kobo : en ayant la possibilité de vendre les ebooks des grands éditeurs, même à prix (trop) élevé, ils ont pu attirer des lecteurs et lancer leur business dans de bonnes conditions. 

- Cet accord aura été aussi favorable aux autoédités, en contraignant Amazon à se tourner vers eux pour contrecarrer les éditeurs en s'appuyant sur les prix très attractifs des autoédités. Cela confirme mon hypothèse selon laquelle c'est grâce à Apple que les auteurs indépendants et les éditeurs bénéficient d'une remise de 70% (auparavant, on était à 30% chez Amazon, aux Etats-Unis).
- On parle beaucoup de la vente à perte d'Amazon : elle semble bien avoir eu lieu en effet, mais uniquement pour des best-sellers. Amazon aurait perdu trop d'argent s'ils l'avaient fait pour tous les livres des éditeurs concernés. Par ailleurs, le nouvel agrément du Département américain de la Justice interdit la vente à perte.

- Je ne pense pas qu'Amazon aurait réussi à contraindre les grands éditeurs à vendre à plus bas prix comme le disait Steve Jobs dans l'article de Macgeneration : "vous restez sur les 9,99$ d'Amazon. Vous gagnerez un peu plus d'argent sur le court terme, mais à moyen terme, Amazon vous dira qu'ils vont vous payer 70% de 9,99$ (sous-entendu, encore moins que le prix de vente - à perte - pratiqué par la firme de Jeff Bezos, ndr). Eux aussi ont des actionnaires." A mon avis, les grands éditeurs auraient retiré leurs best-sellers du Kindle Store dans ce cas.
- L'article confirme bien qu'il y a eu collusion entre les grands éditeurs et Apple, avec pour effet de monter les prix des ebooks aux dépens des lecteurs.

- Je suis d'accord pour dire qu'Amazon n'est pas un blanc mouton et qu'il poursuit des buts hégémoniques, mais ni plus ni moins que ses concurrents. Et c'est apparemment le seul acteur dont le modèle économique est vraiment favorable aux lecteurs, avec cette volonté de faire baisser les prix. D'où le fait qu'il ait été favorisé par le Département américain de la justice (DoJ).

- Apple, Macmillan et Penguin ont eu tort de ne pas accepter l'accord proposé par le DoJ : ils vont maintenant avoir affaire aux avocats anti-trust du gouvernement américain. Le dernier grand acteur à avoir eu affaire à eux est Microsoft, pour son procès d'abus de position dominante. Les analystes estiment que Crosoft a perdu sa position dominante au profit d'Apple suite à ce procès. Apple sera peut-être moins touché, mais si jamais les avocats anittrust du gouvernement fourrent leur nez dans les comptes des éditeurs Penguin et Macmillan (et ils le feront certainement), ils vont très certainement découvrir des pratiques d'un autre âge, notamment dans les rapports avec les agents et les auteurs et dans les droits d'auteur versés à ces derniers.

- En général, les gouvernements laissent les grands éditeurs commettre tranquillement leurs petits crimes en famille. S'ils se sont d'un seul coup retrouvé dans le collimateur du DoJ, c'est tout simplement parce que celui-ci a le regard rivé sur les grands groupes comme Apple, Microsoft et Google.

A voir aussi, l'info sur le blog Aldus. Mon avis diverge totalement par rapport à la conclusion de l'article d'Aldus : C'est Amazon qui doit se frotter les mains et nous français de bénir notre loi sur le prix unique qui nous met à l'abri de la prédation par les prix. Quelle serait la situation en France à l'heure où je vous parle...

Le prix unique des ebooks fait perdre chaque jour beaucoup d'argent aux personnes qui achètent des ebooks. Il protège sans contrepartie les grands éditeurs, qui exploitent sans vergogne les auteurs et les lecteurs. Ce prix unique, en garantissant des prix hauts pour les ebooks (du moins tant qu'en France, une enquête n'aura pas mis en évidence la collusion des grands éditeurs sur ces prix hauts visant à protéger le livre de poche), nuit également à l'attractivité des lecteurs d'ebooks, et à tous les acteurs comme Kobo, Sony, Bookeen ou Amazon qui en bénéficient. Et bien sûr, par ricochet, aux petits éditeurs et auteurs indépendants.